Médée
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Description

Tragédie : La magicienne Médée a fait mourir le roi de Thessalie qui avait lésé son mari Jason. Le couple s'est réfugié auprès du roi de Corinthe, Créon. Le nouveau roi de Thessalie exige les coupables. Créon se contentera de bannir Médée, Jason épousera sa fille Créuse, qui l'aime. Médée prépare sa vengeance. À la demande de Jason, Créon ne bannira pas leurs enfants...

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1 183
EAN13 9782824705958
Langue Français

Extrait

Pierre Corneille
Médée
bibebookPierre Corneille
Médée
Un texte du domaine public.
Une édition libre.
bibebook
www.bibebook.comAdresse
pître de Corneille à Monsieur P.T.N.G.
Monsieur,
Je vous donne Médée, toute méchante qu’elle est, et ne vous dirai rien pour sa
justification. Je vous la donne pour telle que vous la voudrez prendre, sans tâcher àE
prévenir ou violenter vos sentiments par un étalage des préceptes de l’art, qui
doivent être fort mal entendus et fort mal pratiqués quand ils ne nous font pas arriver au but
que l’art se propose. Celui de la poésie dramatique est de plaire, et les règles qu’elle nous
prescrit ne sont que des adresses pour en faciliter les moyens au poète, et non pas des
raisons qui puissent persuader aux spectateurs qu’une chose soit agréable quand elle leur
déplaît. Ici vous trouverez le crime en son char de triomphe, et peu de personnages sur la
scène dont les mœurs ne soient plus mauvaises que bonnes ; mais la peinture et la poésie ont
cela de commun, entre beaucoup d’autres choses, que l’une fait souvent de beaux portraits
d’une femme laide, et l’autre de belles imitations d’une action qu’il ne faut pas imiter. Dans
la portraiture, il n’est pas question si un visage est beau, mais s’il ressemble ; et dans la
poésie, il ne faut pas considérer si les mœurs sont vertueuses, mais si elles sont pareilles à
celles de la personne qu’elle introduit. Aussi nous décrit-elle indifféremment les bonnes et
les mauvaises actions, sans nous proposer les dernières pour exemple ; et si elle nous en veut
faire quelque horreur, ce n’est point par leur punition, qu’elle n’affecte pas de nous faire
voir, mais par leur laideur, qu’elle s’efforce de nous représenter au naturel. Il n’est pas
besoin d’avertir ici le public que celles de cette tragédie ne sont pas à imiter : elles paraissent
assez à découvert pour n’en faire envie à personne. Je n’examine point si elles sont
vraisemblables ou non : cette difficulté, qui est la plus délicate de la poésie, et peut-être la
moins entendue, demanderait un discours trop long pour une épître : il me suffit qu’elles
sont autorisées ou par la vérité de l’histoire, ou par l’opinion commune des anciens. Elles
vous ont agréé autrefois sur le théâtre ; j’espère qu’elles vous satisferont encore aucunement
sur le papier, et demeure,
Monsieur,
Votre très humble serviteur,
Corneille.
qExamen
ette tragédie a été traitée en grec par Euripide, et en latin par Sénèque ; et c’est
sur leur exemple que je me suis autorisé à en mettre le lieu dans une place
publique, quelque peu de vraisemblance qu’il y ait à y faire parler des rois, et à y
voir Médée prendre les desseins de sa vengeance. Elle en fait confidence, chez
Euripide, à tout le chœur, composé de Corinthiennes sujettes de Créon, et quiC
devaient être du moins au nombre de quinze, à qui elle dit hautement qu’elle fera
périr leur roi, leur princesse et son mari, sans qu’aucune d’elles ait la moindre pensée d’en
donner avis à ce prince.
Pour Sénèque, il y a quelque apparence qu’il ne lui fait pas prendre ces résolutions violentes
en présence du chœur, qui n’est pas toujours sur le théâtre, et n’y parle jamais aux autres
acteurs ; mais je ne puis comprendre comme, dans son quatrième acte, il lui fait achever ses
enchantements en place publique ; et j’ai mieux aimé rompre l’unité exacte du lieu, pour
faire voir Médée dans le même cabinet où elle a fait ses charmes, que de l’imiter en ce point.
Tous les deux m’ont semblé donner trop peu de défiance à Créon des présents de cette
magicienne, offensée au dernier point, qu’il témoigne craindre chez l’un et chez l’autre, et
dont il a d’autant plus de lieu de se défier, qu’elle lui demande instamment un jour de délai
pour se préparer à partir, et qu’il croit qu’elle ne le demande que pour machiner quelque
chose contre lui, et troubler les noces de sa fille.
J’ai cru mettre la chose dans un peu plus de justesse, par quelques précautions que j’y ai
apportées : la première, en ce que Créuse souhaite avec passion cette robe que Médée
empoisonne, et qu’elle oblige Jason à la tirer d’elle par adresse ; ainsi, bien que les présents
des ennemis doivent être suspects, celui-ci ne le doit pas être, parce que ce n’est pas tant un
don qu’elle fait qu’un payement qu’on lui arrache de la grâce que ses enfants reçoivent ; la
seconde, en ce que ce n’est pas Médée qui demande ce jour de délai qu’elle emploie à sa
vengeance, mais Créon qui le lui donne de son mouvement, comme pour diminuer quelque
chose de l’injuste violence qu’il lui fait, dont il semble avoir honte en lui-même ; et la
troisième enfin, en ce qu’après les défiances que Pollux lui en fait prendre presque par force,
il en fait faire l’épreuve sur une autre, avant que de permettre à sa fille de s’en parer.
L’épisode d’Egée n’est pas tout à fait de mon invention ; Euripide l’introduit en son
troisième acte, mais seulement comme un passant à qui Médée fait ses plaintes, et qui
l’assure d’une retraite chez lui à Athènes, en considération d’un service qu’elle promet de lui
rendre. En quoi je trouve deux choses à dire : l’une, qu’Egée, étant dans la cour de Créon, ne
parle point du tout de le voir ; l’autre, que, bien qu’il promette à Médée de la recevoir et
protéger à Athènes après qu’elle se sera vengée, ce qu’elle fait dès ce jour-là même, il lui
témoigne toutefois qu’au sortir de Corinthe il va trouver Pitthéus à Trézène, pour consulter
avec lui sur le sens de l’oracle qu’on venait de lui rendre à Delphes, et qu’ainsi Médée serait
demeurée en assez mauvaise posture dans Athènes en l’attendant, puisqu’il tarda
manifestement quelque temps chez Pitthéus, où il fit l’amour à sa fille Aethra, qu’il laissa
grosse de Thésée, et n’en partit point que sa grossesse ne fût constante. Pour donner un peu
plus d’intérêt à ce monarque dans l’action de cette tragédie, je le fais amoureux de Créuse,
qui lui préfère Jason, et je porte ses ressentiments à l’enlever, afin qu’en cette entreprise,
demeurant prisonnier de ceux qui la sauvent de ses mains, il ait obligation à Médée de sa
délivrance, et que la reconnaissance qu’il lui en doit l’engage plus fortement à sa protection,
et même à l’épouser, comme l’histoire le marque.
Pollux est de ces personnages protatiques[1] qui ne sont introduits que pour écouter la
narration du sujet. Je pense l’avoir déjà dit, et j’ajoute que ces personnages sont d’ordinaire
assez difficiles à imaginer dans la tragédie, parce que les événements publics et éclatantsdont elle est composée sont connus de tout le monde, et que s’il est aisé de trouver des gens
qui les sachent pour les raconter, il n’est pas aisé d’en trouver qui les ignorent pour les
entendre ; c’est ce qui m’a fait avoir recours à cette fiction, que Pollux, depuis son retour de
Colchos, avait toujours été en Asie, où il n’avait rien appris de ce qui s’était passé dans la
Grèce, que la mer en sépare. Le contraire arrive en la comédie : comme elle n’est que
d’intrigues particulières, il n’est rien si facile que de trouver des gens qui les ignorent ; mais
souvent il n’y a qu’une seule personne qui les puisse expliquer : ainsi l’on n’y manque jamais
de confidents quand il y a matière de confidence.
Dans la narration que fait Nérine au quatrième acte, on peut considérer que quand ceux qui
écoutent ont quelque chose d’important dans l’esprit, ils n’ont pas assez de patience pour
écouter le détail de ce qu’on leur vient raconter, et que c’est assez pour eux d’en apprendre
l’événement en un mot ; c’est ce que fait voir ici Médée, qui, ayant su que Jason a arraché
Créuse à ses ravisseurs, et pris Egée prisonnier, ne veut point qu’on lui explique comment
cela s’est fait. Lorsqu’on a affaire à un esprit tranquill

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