Les glaneuses de Temps
29 pages
Français

Les glaneuses de Temps

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Description

Une jeune détective se lance sur les traces d’un tueur en série dans les brumes de l’Angleterre victorienne. Une princesse africaine doit affronter le désert et la montagne de la déesse-serpent pour réclamer son héritage. L’île tropicale féérique où ses parents l’ont emmenée n’est peut-être pas aussi inoffensive que Sybille pourrait le croire. Aux portes de la Cité des ombres, une jeune indienne apprend la danse du vent pour se protéger des esprits malins. La vie n’est pas simple quand on est une zomb’ adolescente dans un monde d’humains sans pitié. Un étudiant en Archéologie égyptienne fait une découverte bouleversante sur le quai déserté d’une petite gare anglaise...
Laissez « Les glaneuses de temps » vous transporter dans des mondes à la fois étranges et familiers, où les apparences peuvent être dangereusement trompeuses. Un kaléidoscope d’aventures à la limite du fantastique qui vous tiendra en haleine de la première à la dernière page, par l’auteur du best-seller « Le baiser de Pandore », sélection du Prix Amazon 2015.
Extrait :
« C’était bien ma chance, j’étais tombé sur une dingue. On croise toutes sortes d’individus dans les gares. J’aurais dû m’en douter en la voyant arriver dans ses habits d’une autre époque. Comment allais-je me dépêtrer d’elle maintenant ? Je lui avais déjà avoué que j’attendais un train, je pouvais difficilement me défiler. Peut-être simuler une envie pressante mais, connaissant l’état des toilettes de gare, surtout avec cette chaleur, l’idée n’était guère tentante. Après tout, elle n’avait pas l’air bien dangereuse et je n’avais rien d’autre à faire. Si je faisais semblant de jouer le jeu, elle se lasserait peut-être toute seule…
— Glaneuse de temps ? Je n’avais encore jamais entendu parler de ce genre d’occupation. Ça paie bien ? »

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Publié par
Publié le 04 octobre 2015
Nombre de lectures 19
Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

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Patrick Ferrer Les glaneuses de temps et autres nouvelles
Ceci est une œuvre de fiction.
Copyright © 2015 Patrick Ferrer. Tous droits réservés Illustration de couverture © 2015 Zummerfish. Tous droits réservés. Retrouvez ses œuvres surzummerfish.deviantart.com
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Près du lac de Vermaudit
Les nuages noirs avançaient à l’horizon comme une horde poussée par le vent, secouant furieusement la cime des grands arbres sur leur passage. Absorbée dans ses jeux, Amandine ne les avait pas vus arriver et fut surprise par la bourrasque qui arracha sa coiffe de dentelle. Elle la vit s’envoler par-dessus les massifs de fleurs avant de disparaître dans les bois qui bordaient le jardin. Elle allait se lancer à sa poursuite lorsqu’une main ferme se referma sur son épaule. C’était une main rugueuse, parcourue de veines épaisses, aussi grosse que sa tête. Elle tenta de se dégager, mais la prise ne faiblit pas. Amandine leva le nez. L’homme faisait facilement le double de sa taille, il était massif, les traits épais, et la regardait d’un air étrange. Son œil gauche saillait
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nettement plus que le droit, en fait il semblait animé d’une vie propre, indépendante du reste de son grossier faciès.
— Victor, veux-tu cesser de rouler de l’œil ainsi, tu sais
bien que je déteste cela !
La brute fléchit sous l’assaut verbal et retira sa main d’un
air honteux.
— Désolé, mamzelle Amandine, j’voulais pas vous effrayer. L’œil, je n’y peux rien, c’est à cause du ver.
Sa voix était comme le lointain roulement du tonnerre.
— Un ver ?
— Le docteur a dit qu’il s’était logé sous le globe et qu’on
ne peut rien y faire. Pas sans perdre mon œil. Il vit là, c’est
tout. Peut-être qu’il va mourir tout seul.
— C’est dégoûtant ! Et ça ne te fait pas mal ?
— Non, mamzelle, je ne sens rien. Faut juste le nourrir.
La fillette fit la grimace.
— Moi, ça me donnerait des vapeurs. Il ne te mange pas
le cerveau quand même ?
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— Non, mamzelle, juste des pensées étranges. Ma femme
dit que c’est comme ça qu’il se nourrit.
— Lucette ? Je croyais qu’elle était morte !
— Ça l’empêche pas de me parler, mamzelle.
— Victor, tu es trop bizarre. Bon, moi je vais chercher ma coiffe.
La grosse main se referma à nouveau sur son épaule.
— Faut pas aller par là, mamzelle. Pas quand il y a l’orage.
— Ne sois pas bête. J’y vais tout le temps avec Nounou, quand nous allons au lac. Mère sera très irritée si je perds ma jolie coiffe.
L’œil de Victor eut un soubresaut. La pression sur l’épaule de la fillette ne se relâcha pas.
— J’irai la chercher, mamzelle, vous inquiétez pas. Après.
La fillette fit la moue.
— Elle sera toute mouillée. Vas-y maintenant.
Le géant secoua sa tête difforme d’un air buté.
— Il faut rentrer, mamzelle, l’orage est proche.
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— Tu n’es pas drôle, Victor, je ne suis plus une petite fille,
j’aurai douze ans le mois prochain.
Le colosse ne répondit pas, mais l’aida à ranger ses jeux.
Ils prirent tous deux le chemin de la demeure alors que les
premières gouttes, épaisses et tièdes, commençaient à tomber.
Ils entrèrent par la porte de service. La cuisine était chaude, quelque chose cuisait à petit bouillon dans la grande marmite.
— Asseyez-vous près du feu, mamzelle. Je vais vous faire du chocolat.
— Jamais de la vie ! Tu as les mains pleines de terre et tu
ne sais même pas cuisiner ! Va donc chercher la cuisinière.
— Madame votre mère n’aime pas me voir dans la maison, mamzelle. À cause de la boue du jardin.
La fillette laissa échapper un soupir.
— C’est sûr, avec ton œil, tu fais fuir tout le monde. Bon, je vais m’en occuper moi-même.
Amandine fit le tour de la maison, mais elle était vide. La cuisinière avait dû aller au village faire le marché. Quand elle
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revint dans la cuisine, Victor avait mis le lait sur le feu. Elle passa un tablier blanc et lui demanda de verser la poudre brune pendant qu’elle touillait avec la cuillère en bois.
— Doucement, gros nigaud ! Tu verses trop vite. Ça va faire des grumeaux. Attention de ne pas en verser à côté, Père le fait venir des îles, ça coûte horriblement cher.
— Pardon, mamzelle.
Quelques minutes plus tard, ils étaient tous deux installés à la grande table, Amandine devant un bol de cacao fumant
et Victor un verre de gniole.
— Parle-moi de tes pensées étranges, Victor. J’aimerais
bien savoir ce que le ver te chuchote.
— Ce ne sont pas des choses pour les demoiselles comme vous, mamzelle. Lucette dit que c’est la voix du Malin.
— Pfutt ! Le Malin n’existe pas. Père dit que le mal est
propre à l’homme et qu’il n’a besoin d’aucune aide.
— Votre père ne sait pas tout, mamzelle.
— Ne dis pas de sottises, bien sûr qu’il sait tout. Il a été Haut-Commissaire de la Couronne. D’ailleurs quand j’aurai
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l’âge, je veux faire la même chose. Je serai une grande détective, tu verras !
— C’est pas un métier pour les mamzelles, mamzelle. Et
puis, vous n’avez pas besoin de travailler.
— Si tu penses que je vais passer ma vie à tenir salon comme Mère ! Non, moi ce que je veux, c’est poursuivre les brigands, arrêter les assassins et les envoyer au gibet.
D’ailleurs, j’ai une proposition à te faire. Pourquoi ne serais-tu pas mon bourreau ? Rien qu’à te voir, aucun mécréant n’osera enfreindre la loi.
L’homme réfléchit une lentement la tête.
minute avant de secouer
— Personne n’aime le bourreau, mamzelle. Il vit seul et
n’a pas d’amis.
— Pourquoi, tu as des amis, Victor ? Je veux dire, à part moi...
— Non, mamzelle.
— Alors ? J’attraperai les assassins et tu leur couperas la tête. Ça ne te plairait pas ?
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La brute ne répondit pas tout de suite. Il n’était pas habitué à penser à ce genre de choses.
— Je ne suis qu’un pauvre jardinier, mamzelle. Je ne
saurais pas comment couper une tête.
— Fadaises ! C’est facile. L’important, c’est la hache, tu vois. Il faut qu’elle soit bien affûtée, un solide billot, et porter un coup bien sec entre les vertèbres du cou.
— Où avez-vous appris ce genre de choses, mamzelle ? Ce ne sont pas des pensées pour quelqu’un de votre âge.
— Bah ! J’écoute Père quand il discute avec ses amis dans le fumoir. Il ne sait pas que je suis là, j’ai fait un petit trou dans le mur de la bibliothèque et je peux entendre tout ce qui
se dit. C’est vrai que je ne comprends pas tout, surtout quand ils discutent de « girondes » et de « gueuses » mais le truc de la hache et du billot, j’ai retenu. Tu ne lui diras rien, n’est-ce pas ?
— Non, mamzelle. Mais ce ne sont pas des choses…
— Ça suffit, Victor ! Je croirais entendre Mère.
Un bruit de sabots retentit dans la cour. Le jardinier sursauta et son œil fit presque un tour sur lui-même.
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— Ce doit être Père, murmura la fillette. Allons-nous cacher, s’il nous trouve ensemble, ça va encore faire des histoires.
Elle débarrassa prestement la table et conduisit le colosse
par la main jusqu’à la petite bibliothèque attenante au fumoir. Ils se réfugièrent tous deux dans la pièce obscure. Il n’y avait pas de fenêtres pour empêcher le soleil de ternir les précieuses reliures qui s’alignaient jusqu’au plafond.
Amandine fit glisser un volume de poésies de Milton, révélant un petit trou circulaire dans le panneau derrière les livres. Ils attendirent en silence, tapis dans le noir épaule contre épaule.
— Tu pues, Victor, chuchota la fillette.
L’homme eut un mouvement de recul, confus.
— Mais non, je dis cela pour te taquiner. J’aime bien l’odeur de terre et d’herbe coupée. Bien plus agréable que les
parfums alambiqués de Mère, je t’assure. Allons, reviens gros bêta.
Un seul revers de son énorme main aurait pu lui arracher
la tête, mais la fillette ne ressentait aucune frayeur en sa
présence, il était comme un molosse élevé avec des enfants.
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Il avait toujours été là, à ses côtés, massif et lourdaud, aussi
loin que sa mémoire remonte. Des voix résonnèrent dans la
pièce adjacente. Celle familière de son père, grave et posée,
et une autre plus aiguë qu’elle ne connaissait pas.
— Les villageois grondent, monsieur de Saint Phalle. C’est la douzième fille qui disparaît depuis le début de l’année. Je n’ai pas besoin, je présume, de vous rapporter ce
qu’ils racontent à notre sujet. Si ça continue, c’est notre tête qu’ils vont demander. Il serait grand temps que vous justifiiez la réputation que l’on m’a tant vantée.
Qui était donc cet homme qui se permettait de lui parler
ainsi ? Gilles de Saint Phalle, son père, était au service de la Couronne depuis plus de vingt ans et la Reine elle-même 1 l’avait décoré de l’Ordre du Bain . Bien sûr, c’était avant qu’il soit envoyé dans ce coin perdu, mais quand même ! Amandine se hissa sur la pointe des pieds pour coller l’œil au
trou dans la paroi, mais l’homme à la voix aiguë lui tournait
le dos. Il était petit, obèse, portait une perruque blanche qui
indiquait un rang officiel et une jaquette de velours brodée.
1 Ordre du Bain : troisième ordre le plus important du système chevaleresque britannique.
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