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Extrait : Ceux qui restent font l'histoire de ceux qui s'en vont : c'est dans l'ordre. Ils ont la mémoire pour perpétuer les souvenirs funèbres, des yeux pour traduire en larmes les douleurs des existences éteintes. Vainement ils essayent d'éloigner d'eux la tristesse de cette tâche : la pensée les y ramène par un chemin que jalonnent des tombes. La part des absents n'est-elle pas préférable ? Est-il donc si doux de voir agoniser ceux qu'on aime et le vide se faire autour de soi ?
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22

EAN13

9782824711812

Licence :

Libre de droits

Langue

Français

CHARLES BARBARA
H ÉLOÏSE
BI BEBO O KCHARLES BARBARA
H ÉLOÏSE
1857
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1181-2
BI BEBO OK
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Sour ces :
– B.N.F .
– Éfélé
Ont contribué à cee é dition :
– Gabriel Cab os
Fontes :
– P hilipp H. Poll
– Christian Spr emb er g
– Manfr e d KleinLicence
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.H ELOISE
   font l’histoir e de ceux qui s’ en v ont  : c’ est dans
l’ ordr e . Ils ont la mémoir e p our p er p étuer les souv enirs funèbr es,C des y eux p our traduir e en lar mes les douleur s des e xistences
éteintes. V ainement ils essay ent d’éloigner d’ eux la tristesse de cee
tâche  : la p ensé e les y ramène p ar un chemin que jalonnent des tomb es.
La p art des absents n’ est-elle p as préférable  ? Est-il donc si doux de v oir
ag oniser ceux qu’ on aime et le vide se fair e autour de soi  ? . . .
Je tr ouv e sur un cahier de notes, tout jaune à for ce d’êtr e vieux, cee
p ensé e que j’ai r e cueillie , à cause de l’appr obation que j’y donnais il y a
déjà bien du temps  : « Pour moi, j’ en fais le ser ment, Dieu me donnerait le
p ouv oir de r etour ner dans le sein de ma mèr e et de r e v enir sur cee ter r e
p our y jouir de ce qu’ on app elle un sort heur eux, que je ne le v oudrais
p as. »
L’épitaphe de Y orick me conviendrait assez  ; v ous v ous en souv enez  :
Hélas  ! pauvre Yorick  !
J’ai été souv ent tax é de dur eté faute d’un p eu d’hy p o crisie . Je n’ai
jamais su m’apito y er sur des douleur s imaginair es ou factices. En tout, mais
notamment en fait de sentiment, le conv entionnel et le faux m’ ont
toujour s été o dieux. ’un homme g esticule , jee les hauts cris, se pr o clame
1Héloïse
le plus malheur eux d’ entr e ceux qui souffr ent, s’il ar riv e que la
blanchisseuse oublie de lui app orter un faux col ou que le fer tr op chaud imprime
un mauvais pli à son gilet, j’av oue que cela ne m’émeut guèr e , sinon de
pitié . Je sais que cet homme me tr ouv era sans entrailles. . .
En bue aux caprices du hasard, contr e le quel é chouent si fré
quemment même les efforts d’une v olonté puissante , j’avais dû quier Paris
p our séjour ner pr o visoir ement ailleur s. L’incident est v ulg air e . Je n’ en
p arlerais p as, à p eine m’ en souviendrais-je , sans un épiso de touchant dont
l’impr ession a laissé en moi un durable souv enir .
D e mon log ement, à trav er s les g éraniums et les longs cinérair es qui
masquaient en p artie ma fenêtr e , j’ap er ce vais, se dé v elopp ant sur un plan
oblique , les façades p auv r es et ir régulièr es de tout un côté de r ue .
J’avais un épicier p our vis-à-vis, à l’angle d’une r ue latérale . On v oit d’ici
la dé coration de sa de vantur e couleur cho colat. Ce n’était que girandoles
d’ép ong es, de b oes de ficelles, que grapp es de plume aux, de br osses en
chiendent, de raquees, de v olants, que faisce aux de balais en jonc, que
p anier s pleins de lièg e , que barils comblés de pr une aux ou de colle de pâte ,
véritables water closets des chiens du quartier . D er rièr e les vitr es, sur des
ray ons en v er r e , étaient entassé es des mar chandises dont les env elopp es
aux couleur s cr ues semblaient dé coup é es dans u n habit d’arle quin. Dès
le matin, de vant la p orte , un g ar çon, mal é v eillé encor e , brûlait la graine
de café dans le cylindr e noir ci qu’il faisait tour ner indolemment sur la
flamme des cop e aux. Les envir ons s’ emplissaient d’une fumé e o dorante
dont p er sonne ne song e ait à se plaindr e .
A côté , il y avait une mer cièr e . Le colombag e zébrait la façade étr oite
de la maison. A u r ez-de-chaussé e , à la montr e de la b outique v erte , se
v o yaient de la menue mer cerie et des b onnets en tulle , dont les r ubans
r oses ou bleus airaient l’ œil des jeunes filles en p assant.
V enaient ensuite un dor eur av e c son airail de chandelier s et d’
encensoir s en cuiv r e suant le v ert-de-gris  ; puis un ser r urier , dont l’intérieur ,
le soir , r etentissait des br uits rhythmiques de l’ enclume et r esplendissait
des é clair s de la for g e  ; puis un b oucher , puis un cho colatier , puis un br
ocanteur , mar chand de vieux meubles. J’av ouerai combien l’étal du b
oucher m’était agré able à v oir . Les files de gig ots, de quartier s de moutons
susp endus et alignés à la façon des soldats, les v e aux é v entrés av e c leur
2Héloïse
tablier de graisse , les culoes et autr es piè ces de b œufs p aré es comme
p our un sacrifice , toutes ces nuances de r ose et de r oug e si fraîches et si
viv es ne réjouissaient p as moins mon œil que les gr osses joues de la b
ouchèr e , qui à p eine tr ouvait de la place dans son comptoir p our ses for mes
e xubérantes, et semblait, av e c l’ o deur des viandes, r espir er la santé .
D e l’ endr oit où j’étais accoutumé de m’asse oir , je n’ en v o yais p as plus.
Il y avait un mar ché au b out de la r ue , et, p ar suite , dans la matiné e ,
il s’y faisait une pr o cession de ménagèr es qui p assaient à vide et s’ en
r e v enaient le cor ps plié en deux p our fair e é quilibr e à leur s p anier s pleins
jusque p ar-dessus les b ords de légumes, de fr uits, de b eur r e , de fr omag e ,
d’ œufs, de viande ou de p oisson.
A ux nombr euses fenêtr es du p an de r ue qui faisait ma p er sp e ctiv e , je
v o yais en outr e bien souv ent des têtes de femmes et de jeunes filles.
T out cela était très-vivant et très-g ai.
Un dimanche de fé v rier , en ouv rant ma fenêtr e p our me chauffer au
soleil, j’ap er çus, au se cond de la maison o ccup é e p ar la mer cièr e , une
jeune fille , ou plutôt une jeune femme , car j’ignorais alor s si elle était
marié e ou non, et de ma place je jug e ais seulement qu’ elle avait une jolie
e xpr ession de tête . Je vis des che v eux br uns, un œil très-doux, un visag e
pâle et un p eu allong é , un ensemble mélancolique . Elle me p ar ut assez
grande et bien faite . Elle r eg ardait à dr oite et à g auche , et semblait se
r ep oser des fatigues de la semaine .
Je m’y intér essai tout de suite .

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