Le Vote de M. Van den TruffArmand Silvestre(Histoires belles et honnestes)1883IUn petit gros homme M. Van den Truff, avec de larges favoris en nageoiresouvertes, un ventre proéminent, deux jambes grêles et un air d’importance quidonnait, à première vue, envie de le gifler. Le maladroit qui l’eût piqué avec uneépingle en eût fait sortir plus de billevesées que de choses sublimes, et il était plutôtcomparable à une outre gonflée de vent qu’à une amphore pleine de vin généreux.C’était néanmoins un pédant bourré de science tudesque ; aussi était-il, dans sapetite ville, l’agent le plus actif des ambitions germaniques de l’autre côté de laMeuse. Il ne jurait que par l’Allemagne et la destruction des races latines qui, à sonavis, avaient fait leur temps par la nécessité d’un empire solide représentantl’œuvre de Charlemagne et par la prussification de toute l’Europe occidentale. Soncabinet de travail était tapissé de cartes où ces belles idées étaient graphiquementdéveloppées avec des encres de toutes les couleurs. Il ne laissait à la France queles provinces basques et lui annexait, par système de compensation, le vald’Andorre. Il faisait beau l’entendre discourir dans les brasseries sur cesnouveautés géographico-politique, dans une langue pâteuse, amphigourique,enflée d’Hégel et suffisant à expliquer son horreur pour la patrie de Diderot, deMontaigne et de Rabelais.Tout cela ne l’empêchait pas, d’ailleurs, d’être formidablement cocu.IIC’est que Mme Van ...
Voir