Clair de luneGuy de MaupassantUne veuveerLe Gaulois, 1 septembre 1882C'était pendant la saison des chasses, dans le château de Banneville. L'automneétait pluvieux et triste. Les feuilles rouges, au lieu de craquer sous les pieds,pourrissaient dans les ornières, sous les lourdes averses.La forêt, presque dépouillée, était humide comme une salle de bains. Quand onentrait dedans, sous les grands arbres fouettés par les grains, une odeur moisie,une buée d'eau tombée, d'herbes trempées, de terre mouillée, vous enveloppait; etles tireurs, courbés sous cette inondation continue, et les chiens mornes, la queuebasse et le poil collé sur les côtes, et les jeunes chasseresses en leur taille de drapcollante et traversée de pluie, rentraient chaque soir las de corps et d'esprit.Dans le grand salon, après dîner, on jouait au loto, sans plaisir, tandis que le ventfaisait sur les volets des poussées bruyantes et lançait les vieilles girouettes en destournoiements de toupie. On voulut alors conter des histoires, comme il est dit endes livres; mais personne n'inventait rien d'amusant. Les chasseurs narraient desaventures à coups de fusil, des boucheries de lapins; et les femmes se creusaientla tête sans y découvrir jamais l'imagination de Schéhérazade.On allait renoncer à ce divertissement, quand une jeune femme, en jouant, sans ypenser, avec la main d'une vieille tante restée fille, remarqua une petite bague faiteavec des cheveux blonds, qu'elle avait vue souvent ...
Voir