Guy de MaupassantContes du jour et de la nuitC. Marpon et E. Flammarion, 1885 (pp. 173-183).La veuve de Paolo Saverini habitait seule avec son fils une petite maison pauvresur les remparts de Bonifacio. La ville, bâtie sur une avancée de la montagne,suspendue même par places au-dessus de la mer, regarde, par-dessus le détroithérissé d’écueils, la côte plus basse de la Sardaigne. À ses pieds, de l’autre côté,la contournant presque entièrement, une coupure de la falaise, qui ressemble à ungigantesque corridor, lui sert de port, amène jusqu’aux premières maisons, aprèsun long circuit entre deux murailles abruptes, les petits bateaux pêcheurs italiens ousardes, et, chaque quinzaine, le vieux vapeur poussif qui fait le service d’Ajaccio.Sur la montagne blanche, le tas de maisons pose une tache plus blanche encore.Elles ont l’air de nids d’oiseaux sauvages, accrochées ainsi sur ce roc, dominant cepassage terrible où ne s’aventurent guère les navires. Le vent, sans repos, fatiguela mer, fatigue la côte nue, rongée par lui à peine vêtue d’herbe ; il s’engouffre dansle détroit, dont il ravage les deux bords. Les traînées d’écume pâle, accrochées auxpointes noires des innombrables rocs qui percent partout les vagues, ont l’air delambeaux de toiles flottant et palpitant à la surface de l’eau.La maison de la veuve Saverini, soudée au bord même de la falaise, ouvrait sestrois fenêtres sur cet horizon sauvage et désolé.Elle vivait là, seule, avec son fils Antoine ...
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