Sac au dosJoris-Karl HuysmansLes Soirées de Médan1880SAC AU DOSAussitôt que j’eus achevé mes études, mes parents jugèrent utile de me fairecomparoir devant une table habillée de drap vert et surmontée de bustes de vieuxmessieurs qui s’inquiétèrent de savoir si j’avais appris assez de langue morte pourêtre promu au grade de bachelier.L’épreuve fut satisfaisante. — Un diner où tout l’arrière-ban de ma famille futconvoqué, célébra mes succès, s’inquiéta de mon avenir, et résolut enfin que jeferais mon droit.Je passai tant bien que mal le premier examen et je mangeai l’argent de mesinscriptions de deuxième année avec une blonde qui prétendait avoir de l’affectionpour moi, à certaines heures.Je fréquentai assidument le quartier latin et j’y appris beaucoup de choses, entreautres à m’intéresser à des étudiants qui crachaient, tous les soirs, dans desbocks, leurs idées sur la politique, puis à gouter aux œuvres de Georges Sand etde Heine, d’Edgard Quinet et d’Henri Mürger.La puberté de la sottise m’était venue. Cela dura bien un an ; je murissais peu àpeu, les luttes électorales de la fin de l’Empire me laissèrent froid ; je n’étais le filsni d’un sénateur ni d’un proscrit, je n’avais qu’à suivre sous n’importe quel régimeles traditions de médiocrité et de misère depuis longtemps adoptées par mafamille.Le droit ne me plaisait guère. Je pensais que le Code avait été mal rédigé exprèspour fournir à certaines gens l’occasion d’ergoter, à perte de vue, sur ...
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