PolzounkovFédor Mikhaïlovitch Dostoïevski1848Traduction de Gustave MassonLe Bouffon (Polzounkov), écrit en 1847, a paru au début de l’année 1848 dans« L’Almanach illustré » édité par I. Panaïev et N. Nekrassov.Je regardais l’homme. Son aspect avait quelque chose de tellement singulier que,rien qu’en le voyant, on se sentait pris d’une irrésistible envie de rire – ce quim’arriva d’ailleurs. Autre remarque aussi : les yeux minuscules de ce petit monsieurviraient sans cesse dans tous les sens, et lui-même subissait à un tel pointl’influence magnétique des regards étrangers, qu’il semblait deviner instinctivementl’attention qui pesait sur lui. Il se retournait aussitôt, examinant le gêneur avecinquiétude. Sa mobilité perpétuelle le faisait positivement ressembler à unegirouette.Chose étrange, il semblait craindre les railleurs bien qu’il dût aux moqueries dont ilétait l’objet, ses plus sûrs moyens d’existence, car il était le bouffon de tout lemonde : son occupation principale, c’était de recevoir des chiquenaudes moraleset même physiques, selon la société dans laquelle il se trouvait.Les bouffons volontaires n’excitent même plus la pitié. Je remarquai cependant quecet homme ridicule n’était pas un pitre professionnel et qu’il restait en lui quelquechose d’élevé. Son air de gêne, la crainte perpétuelle et maladive qui le dominait,pouvaient militer en sa faveur.Il me semblait que son désir de se montrer serviable vînt d’une bonne nature et lemenât plus ...
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