Mademoiselle FifiGuy de MaupassantMarrocaGil Blas, 2 mars 1882MARROCAMon ami, tu m'as demandé de t’envoyer mes impressions, mes aventures, etsurtout mes histoires d’amour sur cette terre d’Afrique qui m'attirait depuis silongtemps. Tu riais beaucoup, d’avance, de mes tendresses noires, comme tudisais; et, tu me voyais déjà revenir suivi d’une grande femme en ébène, coifféed’un foulard jaune, et ballottante en des vêtements éclatants.Le tour des Mauricaudes viendra sans doute, car j’en ai vu déjà plusieurs qui m’ontdonné quelque envie de me tremper en cette encre; mais je suis tombé pour mondébut sur quelque chose de mieux et de singulièrement original.Tu m’as écrit, dans ta dernière lettre :« Quand je sais comment on aime dans un pays, je connais ce pays à le décrire,bien que ne l'ayant jamais vu. >> Sache qu’ici on aime furieusement. On sent, dèsles premiers jours, une sorte d’ardeur frémissante, un soulèvement, une brusquetension des désirs, un énervement courant au bout des doigts, qui surexcitent à lesexaspérer nos puissances amoureuses et toutes nos facultés de sensationphysique, depuis le simple contact des mains jusqu’à cet innommable besoin quinous fait commettre tant de sottises.Entendons—nous bien. Je ne sais si ce que vous appelez l'amour du cœur, l’amourdes âmes, si l'idéalisme sentimental, le platonisme enfin, peut exister sous ceciel ; j’en doute même. Mais l'autre amour, celui des sens, qui a du bon, etbeaucoup de bon, est ...
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