Anatole FranceLe Puits de sainte ClaireCalmann-Lévy, 1900 (pp. 81-88).À Mademoiselle Mary Finaly.IV.LES PAINS NOIRSTu tibi divitias stolidissime congeris amplas. Negasque micam pauperi :Advenit ecce dies qua saevis ignibus ardens Rogabis aquae guttulam.(Navis stultifere 1507, f° xix).En ce temps-là, Nicolas Nerli était banquier dans la noble ville de Florence. Quand sonnait tierce, il était assis à son pupitre, et quandsonnait none, il y était assis encore, et il y faisait tout le jour des chiffres sur ses tablettes. Il prêtait de l’argent à l’Empereur et auPape. Et, s’il n’en prêtait pas au diable, c’est qu’il craignait de faire de mauvaises affaires avec celui qu’on nomme le Malin, et quiabonde en ruses. Nicolas Nerli était audacieux et défiant. Il avait acquis de grandes richesses et dépouillé beaucoup de gens. C’estpourquoi il était honoré dans la ville de Florence. Il habitait un palais où la lumière que Dieu créa n’entrait que par des fenêtresétroites ; et c’était prudence, car le logis du riche doit être comme une citadelle, et ceux qui possèdent de grands biens fontsagement de défendre par force ce qu’ils ont acquis par ruse.Donc, le palais de Nicolas Nerli était muni de grilles et de chaînes. Au dedans, les murs étaient peints par d’habiles ouvriers qui yavaient représenté les Vertus sous l’apparence de femmes, les patriarches, les prophètes et les rois d’Israël. Des tapisseries,tendues dans les chambres, offraient aux yeux les histoires ...
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