Les Déclassés[1]( B a c h k a ) Dmitri Mamine-Sibiriak1884Traduction de Marie Stromberg, parue dans L’Humanité nouvelle, année 1,tome 1, volume 1 (1897)[2]LES DÉCLASSÉS IIl fait un temps affreux depuis le lever du jour.On dirait qu’une force surnaturelle remue la terre, en extrait toute la boueemmagasinée dans ses entrailles et la vomit sur le sol gluant. Le ciel, couvert, estd’une couleur terne et les nuages bas rampent au ras des toits.Les piétons s’embourbent profondément. De la boue, partout de la boue, toujours[3]de la boue, encore de la boue ! Toute la ville de Propadinsk semble vouloir sedissoudre en ce marais boueux. C’est comme si le ciel eût absorbé toutes les eauxsales de la ville pour les répandre à flots dans les rues.— C’est dégoûtant ! fit Bachka de sa voix cuivrée en regardant la rue à travers lescarreaux embués du cabaret.Dehors tout se noie dans un brouillard épais. Des flocons de neige fondent dansl’air et tombent doucement sur le sol en le détrempant de plus en plus. En un instantla neige collée aux vitres intercepte le jour et plonge le cabaret dans une pénombre.— Voilà ce que le bon Dieu nous envoie, dit sur un ton tranquille le patron dePlevna, un gros moujik, le visage troué de petite vérole, vêtu d’un veston de velours.Il se nommait Ivan Vassilievitch, mais souvent, par colère, ses clients l’appelaient[4]plus brièvement Vanka Caïn. — Hein, Bachka ! qu’en dis-tu ? En voilà-t-il une affaire !Bachka ne répondit pas au ...
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