Cette femme, Leïlah Mahi, morte en 1932, qui m’obsédait depuis des années déjà, même si c’était par intermittence, et dont je ne parviens pas à me défaire, je l’ai découverte à retardement, en plusieurs fois, comme un reflet dans un jeu de miroirs. Cinq ans avant ma dernière visite à JB, j’étais allé au Père-Lachaise sur les traces de Georges Perec dont je venais de relireW ou le souvenir d’enfance.C’était un jour de semaine. À l’entrée, sur le boulevard de Ménilmontant, des élèves entouraient leur professeur pour une visite du patrimoine. Je n’étais pas revenu dans ce cimetière depuis que j’avais leur âge, quand je pensais au père Goriot, à Esther Gobseck ou à Lucien de Rubempré que Balzac avait enterrés quelque part par ici et que je finirais bien par trouver, un jour. J’aimais me promener dans leur souvenir. Dans les allées, des touristes, un plan à la main, cherchaient à se repérer entre les divisions, les avenues, les transversales. Ils demandaient les tombes d’Édith Piaf, de Jim Morrison ou d’Oscar Wilde, dans toutes les langues. Les stations obligées d’un musée en plein air. Parvenu tout en haut, au 19 columbarium, j’ai ressenti un changement d’atmosphère, comme si l’air soudain devenait plus lourd, et j’ai passé en revue des milliers de cases qui font de cette enceinte une immense salle des coffres à ciel ouvert, taille standard, scellés dans la muraille.
Voir