Prosper MériméeAuguste Saint-Clair n'était point aimé dans ce qu'on appelle le monde; la principale raison, c'est qu'il ne cherchait à plaire qu'auxgens qui lui plaisaient à lui-même. Il recherchait les uns et fuyait les autres.D'ailleurs il était distrait et indolent. Un soir, comme il sortait du Théâtre-Italien, la marquise A*** lui demanda comment avait chantéMlle Sontag. “ Oui, madame ”, répondit Saint-Clair en souriant agréablement, et pensant à tout autre chose. On ne pouvait attribuercette réponse ridicule à la timidité ; car il parlait à un grand seigneur, à un grand homme et même à une femme à la mode, avecautant d'aplomb que s'il eût entretenu son égal. - La marquise décida que Saint-Clair était un prodige d'impertinence et de fatuité.Mme B*** l'invita à dîner un lundi. Elle lui parla souvent ; et, en sortant de chez elle, il déclara que jamais il n'avait rencontré de femmeplus aimable. Mme B*** amassait de l'esprit chez les autres pendant un mois, et le dépensait chez elle en une soirée. Saint-Clair larevit le jeudi de la même semaine. Cette fois, il s'ennuya quelque peu. Une autre visite le détermina à ne plus reparaître dans sonsalon. Mme B *** publia que Saint-Clair était un jeune homme sans manières et du plus mauvais ton.Il était né avec un cœur tendre et aimant ; mais, à un âge où l'on prend trop facilement des impressions qui durent toute la vie, sasensibilité trop expansive lui avait attiré les railleries de ses camarades. Il était fier, ...
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