Yvette
Guy de Maupassant
Le Retour
Le Gaulois, 28 juillet 1884
La mer fouette la côte de sa vague courte et monotone. De petits nuages blancs
passent vite à travers le grand ciel bleu, emportés par le vent rapide, comme des
oiseaux; et le village, dans le pli du vallon qui descend vers l'océan, se chauffe au
soleil.
Tout à l'entrée, la maison des Martin-Lévesque, seule, au bord de la route. C'est
une petite demeure de pêcheur, aux murs d'argile, au toit de chaume empanaché
d'iris bleus. Un jardin large comme un mouchoir, où poussent des oignons,
quelques choux, du persil, du cerfeuil, se carre devant la porte. Une haie le clôt le
long du chemin.
L'homme est à la pêche, et la femme, devant la loge, répare les mailles d'un grand
filet brun, tendu sur le mur ainsi qu'une immense toile d'araignée. Une fillette de
quatorze ans, à l'entrée du jardin, assise sur une chaise de paille penchée en
arrière et appuyée du dos à la barrière, racommode du linge, du linge de pauvre,
rapiécé, reprisé déjà. Une autre gamine, plus jeune d'un an, berce dans ses bras un
enfant tout petit, encore sans gestes et sans parole; et deux mioches de deux et
trois ans, le derrière dans la terre, nez à nez, jardinent de leurs mains maladroites et
se jettent des poignées de poussière dans la figure.
Personne ne parle. Seul le moutard qu'on essaie d'endormir pleure d'une façon
continue, avec une petite voix aigre et frêle. Un chat dort sur la fenêtre; et des
giroflées épanouies font, au pied du mur, un ...
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