Le CalvaireOctave Mirbeau1886À MON PÈRETémoignage de ma piété filiale,O. M.Le Calvaire, illustré parGeorges Jeanniot, 1901I.II.III.IV.V.VI.VII.VIII.IX.X.XI.XII.Le Calvaire : IJe suis né, un soir d’octobre, à Saint-Michel-les-Hêtres, petit bourg du département de l’Orne, et je fus aussitôt baptisé aux noms deJean-François-Marie Mintié. Pour fêter, comme il convenait, cette entrée dans le monde, mon parrain, qui était mon oncle, distribuabeaucoup de bonbons, jeta beaucoup de sous et de liards aux gamins du pays, réunis sur les marches de l’église. L’un d’eux, en sebattant avec ses camarades, tomba sur le coupant d’une pierre, si malheureusement qu’il se fendit le crâne et mourut le lendemain.Quant à mon oncle, rentré chez lui, il prit la fièvre typhoïde et trépassa quelques semaines après. Ma bonne, la vieille Marie, m’asouvent conté ces incidents, avec orgueil et admiration.Saint-Michel-les-Hêtres est situé à l’orée d’une grande forêt de l’État, la forêt de Tourouvre. Bien qu’il compte quinze cents habitants,il ne fait pas plus de bruit que n’en font, dans la campagne, par une calme journée, les arbres, les herbes et les blés. Une futaie dehêtres géants, qui s’empourprent à l’automne, l’abrite contre les vents du Nord, et les maisons, aux toits de tuile, vont, descendant lapente du coteau, gagner la vallée large et toujours verte, où l’on voit errer les bœufs, par troupeaux. La rivière d’Huisne, brillante sousle soleil, festonne et se tord ...
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