1 Où Morgan explique les calendes et où les enfants commencent à arriver Les enfants commencèrent à apparaître peu après l'arrivée d'Engel dans la maison. C'est elle qui trouva la première, encore nourrisson, une petite fille dans un couffin, avec un ballot d'habits lavés de frais et pliés avec soin. Le couffin avait été déposé sur les marches qui descendaient à la cuisine, depuis le jardin. Quiconque l'avait laissé là devait connaître les coutumes de la maison, car il aurait pu s'écouler des jours avant qu'une autre porte fût ouverte ;abandonnée ailleurs, l'enfant serait sans doute morte. Dans le cas présent, la petite créature n'avait pas attendu là plus d'une heure ou deux, et pourtant elle était déjà bleue de froid. Engel la prit dans ses bras, serra contre son sein le petit corps moelleux et nicha dans le creux de son cou le petit visage fripé, et cela dura un temps indéfini–« Une calende », dit-elle à Morgan lorsqu'elle lui amena l'enfant dans son bureau. Levant les yeux de sa lecture, il lui répondit avec un regard amusé que les calendes étaient –9– toujours plurielles et perpétuellement repoussées. Elle hocha la tête avec ferveur : «Exactement, cela continue, encore et toujours, sans fin.» C'était tout à fait cela, ajouta-t‑elle en sentant contre sa poitrine le petit cœur de l'enfant battant à peine, et sur la peau de sa nuque le souffle rapide, telle une lame de dague brûlante. Engel souleva l'enfant pour la tendre à Morgan, qui secoua la tête.
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