Joseph PrunierLa Main d’écorchéL’Almanach lorrain de Pont-à-Mousson, 1875LA MAIN D’ÉCORCHÉ.Il y a huit mois environ, un de mes amis, Louis R., avait réuni, un soir, quelquescamarades de collège ; nous buvions du punch et nous fumions en causantlittérature, peinture, et en racontant, de temps à autre, quelques joyeusetés, ainsique cela se pratique dans les réunions de jeunes gens. Tout à coup la porte s’ouvretoute grande et un de mes bons amis d’enfance entre comme un ouragan.« Devinez d’où je viens », s’écria-t-il aussitôt. — « Je parie pour Mabille », répondl’un, — « Non, tu es trop gai, tu viens d’emprunter de l’argent, d’enterrer ton oncle,ou de mettre ta montre chez ma tante », reprend un autre ; « Tu viens de te griser,riposte un troisième, et comme tu as senti le punch chez Louis, tu es monté pourrecommencer. » — « Vous n’y êtes point, je viens de P… en Normandie, où j’ai étépasser huit jours et d’où je rapporte un grand criminel de mes amis que je vousdemande la permission de vous présenter. » À ces mots, il tira de sa poche unemain d’écorché ; cette main était affreuse, noire, sèche, très longue et commecrispée, les muscles, d’une force extraordinaire, étaient retenus à l’intérieur et àl’extérieur par une lanière de peau parcheminée, les ongles jaunes, étroits, étaientrestés au bout des doigts ; tout cela sentait le scélérat d’une lieue. « Figurez-vous,dit mon ami, qu’on vendait l’autre jour les défroques d’un vieux sorcier bien connudans ...
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