Monsieur ParentGuy de MaupassantLa Bête à Maît’ BelhommeGil Blas, 22 septembre 1885La diligence du Havre allait quitter Criquetot ; et tous les voyageurs attendaientl’appel de leur nom dans la cour de l’hôtel du Commerce tenu par Malandain fils.C’était une voiture jaune, montée sur des roues jaunes aussi autrefois, maisrendues presque grises par l’accumulation des boues. Celles de devant étaienttoutes petites ; celles de derrière, hautes et frêles, portaient le coffre difforme etenflé comme un ventre de bête. Trois rosses blanches, dont on remarquait, aupremier coup d’œil, les têtes énormes et les gros genoux ronds, attelées enarbalète, devaient traîner cette carriole qui avait du monstre dans sa structure et sonallure. Les chevaux semblaient endormis déjà devant l’étrange véhicule.Le cocher Césaire Horlaville, un petit homme à gros ventre, souple cependant, parsuite de l’habitude constante de grimper sur ses roues et d’escalader l’impériale, laface rougie par le grand air des champs, les pluies, les bourrasques et les petitsverres, les yeux devenus clignotants sous les coups de vent et de grêle, apparut surla porte de l’hôtel en s’essuyant la bouche d’un revers de main. De larges paniersronds, pleins de volailles effarées, attendaient devant les paysannes immobiles.Césaire Horlaville les prit l’un après l’autre et les posa sur le toit de sa voiture ; puisil y plaça plus doucement ceux qui contenaient des œufs ; il y jeta ensuite, d’en bas,quelques ...
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