Guy de MaupassantContes du jour et de la nuitC. Marpon et E. Flammarion, 1885 (pp. 157-169).ILe vent du nord soufflait en tempête, emportant par le ciel d’énormes nuagesd’hiver, lourds et noirs, qui jetaient en passant sur la terre des averses furieuses.La mer démontée mugissait et secouait la côte, précipitant sur le rivage desvagues énormes, lentes et baveuses, qui s’écroulaient avec des détonationsd’artillerie. Elles s’en venaient tout doucement, l’une après l’autre, hautes commedes montagnes, éparpillant dans l’air, sous les rafales, l’écume blanche de leurstêtes ainsi qu’une sueur de monstres.L’ouragan s’engouffrait dans le petit vallon d’Yport, sifflait et gémissait, arrachantles ardoises des toits, brisant les auvents, abattant les cheminées, lançant dans lesrues de telles poussées de vent qu’on ne pouvait marcher qu’en se tenant aux murs,et que les enfants eussent été enlevés comme des feuilles et jetés dans les champspar-dessus les maisons.On avait hâlé les barques de pêche jusqu’au pays, par crainte de la mer qui allaitbalayer la plage à marée pleine, et quelques matelots, cachés derrière le ventrerond des embarcations couchées sur le flanc, regardaient cette colère du ciel et del’eau.Puis ils s’en allaient peu à peu, car la nuit tombait sur la tempête, enveloppantd’ombre l’Océan affolé, et tout le fracas des éléments en furie.Deux hommes restaient encore, les mains dans les poches, le dos rond sous lesbourrasques, le bonnet de laine ...
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