L’Inutile BeautéGuy de MaupassantL’InfirmeLe Gaulois, 21 octobre 1888> Cette aventure m'est arrivée vers 1882. Je venais de m'installer dans le coin d'unwagon vide, et j'avais refermé la portière, avec l'espérance de rester seul, quandelle se rouvrit brusquement, et j'entendis une voix qui disait :- Prenez garde, monsieur, nous nous trouvons juste au croisement des lignes ; lemarchepied est très haut.Une autre voix répondit :- Ne crains rien, Laurent, je vais prendre les poignées.Puis une tête apparut coiffée d'un chapeau rond, et deux mains, s'accrochant auxlanières de cuir et de drap suspendues des deux côtés de la portière, hissèrentlentement un gros corps, dont les pieds firent sur le marchepied un bruit de cannefrappant le sol.Or, quand l'homme eut fait entrer son torse dans le compartiment, je vis apparaître,dans l'étoffe flasque du pantalon, le bout peint en noir d'une jambe de bois, qu'unautre pilon pareil suivit bientôt.Une tête se montra derrière ce voyageur et demanda :- Vous êtes bien, monsieur ?- Oui, mon garçon.- Alors, voilà vos paquets et vos béquilles.Et un domestique, qui avait l'air d'un vieux soldat, monta à son tour, portant en sesbras un tas de choses, enveloppées en des papiers noirs et jaunes, ficeléessoigneusement, et les déposa, l'une après l'autre, dans le filet au-dessus de la têtede son maître. Puis il dit :- Voilà, monsieur, c'est tout. Il y en a cinq : les bonbons, la poupée, le tambour, lefusil et le pâté de ...
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