Contes divers (1883)Guy de MaupassantL’AttenteLe Gaulois, 11 novembre 1883Le Colpoteur, 1900On causait, entre hommes, après dîner dans le fumoir. On parlait de successionsinattendues, d’héritages bizarres. Alors maître Le Brument, qu’on appelait tantôtl’illustre maître, tantôt l’illustre avocat, vint s’adosser à la cheminée.« J’ai, dit-il, à rechercher en ce moment un héritier disparu dans des circonstancesparticulièrement terribles. C’est là un de ces drames simples et féroces de la viecommune ; une histoire qui peut arriver tous les jours, et qui est cependant une desplus épouvantables que je connaisse. La voici :« Je fus appelé, voici à peu près six mois, auprès d’une mourante. Elle me dit :« — Monsieur, je voudrais vous charger de la mission la plus délicate, la plusdifficile et la plus longue qui soit. Prenez, s’il vous plaît, connaissance de montestament, là, sur cette table. Une somme de cinq mille francs vous est léguée,comme honoraires, si vous ne réussissez pas, et de cent mille francs si vousréussissez. Il faut retrouver mon fils après ma mort. »« Elle me pria de l’aider à s’asseoir dans son lit, pour parler plus facilement, car savoix saccadée, essoufflée, sifflait dans sa gorge.« Je me trouvais dans une maison fort riche. La chambre luxueuse, d’un luxesimple, était capitonnée avec des étoffes épaisses comme des murs, si douces àl’œil qu’elles donnaient une sensation de caresse, si muettes que les parolessemblaient y entrer y ...
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