Louis PergaudLes RustiquesL’Assassinat de la VouivreLe vieux Jean-Claude avait eu son enfance bercée au récit des légendes de laVouivre, en qui il croyait de toutes les forces de son âme.Sa grand’mère lui avait affirmé, devant le poêle ronronnant et le chat mystérieux,quand sifflait la bise et tourbillonnait la neige, l’avoir vue de ses propres yeux, lessoirs de clair de lune et les nuits d’étoiles, promener par les prés humides de laMoraie sa sveltesse robuste de serpent ailé. Dans les miroirs des flaquesencadrées de prèles scintillaient les feux de son escarboucle de diamant qu’elledéposait à son côté avant de se pencher sur la nacre cristalline des ruisseaux pours’y désaltérer selon le rite. Et la foi, bue avec les paroles de l’aïeule morte, s’étaitimplantée si profondément en lui que toutes les railleries et les hochementsincrédules des fortes têtes n’en avaient jamais eu raison.Ah ! pouvoir lui ravir l’escarboucle, l’escarboucle qui eût assuré la fortune et lapuissance au héros de cette fabuleuse aventure ! Nul audacieux des temps jadisn’avait osé le faire. La bête l’eût dévoré !Jean-Claude, par ce soir d’automne, revenait du village voisin où il avait livré à unpaysan, cultivateur comme lui, une génisse qu’il lui avait vendue. Ses écus de cinqlivres, entassés dans un petit sac à plomb, se froissaient doucement sous ladoublure de sa veste et caressaient son oreille de leur bruissement argentin.Il sortit du bois du Chênois, longeant les prés ...
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