Dorci,oula Bizarrerie du sortDonatien Alphonse François de SadeManuscrit : 1788 - Première édition : 1881De toutes les vertus que la nature nous a permis d'exercer sur la terre, labienfaisance est incontestablement la plus douce. Est-il un plaisir plus touchant, eneffet, que celui de soulager ses semblables ? et n'est-ce pas à l'instant où notreâme s'y livre qu'elle approche le plus des qualités suprêmes de l'Être qui nous acréés ? Des malheurs, nous assure-t-on, y sont quelquefois attachés : qu'importe,on a joui, on a fait jouir les autres ; n'en est-ce pas assez pour le bonheur ?Il ne s'était point vu depuis longtemps une intimité plus parfaite que celle qui régnaitentre le comte et le marquis de Dorci, tous deux frères, tous deux à peu près dumême âge, c'est-à-dire environ trente à trente-deux ans, tous deux officiers dans lemême corps et tous deux garçons ; aucun événement ne les avait jamais désunis,et pour serrer les nœuds d'une liaison qui leur était si précieuse, depuis que par lamort de leur père ils se trouvaient l'un et l'autre maîtres de leur bien, ils habitaient lamême maison, se servaient des mêmes gens, et étaient résolus à ne se marierjamais qu'à deux femmes dont les qualités répondissent aux leurs et quiconsentissent de même à cette perpétuelle union qui faisait le bonheur de leursjours.Les goûts de ces deux frères n'étaient pourtant pas absolument les mêmes : lecomte de Dorci, l'aîné de la maison, aimait le repos, la solitude, la ...
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