Conte à dormir debout
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Conte à dormir debout

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Description

Quand Law, cet alchimiste de la finance, qui transformait l'or des crédules en papier, y installa sa Banque générale, la rue Quincampoix, populairement appelée rue des Mauvaises Paroles, fut livrée à la fureur de l'agiotage, une partie des habitants de Paris transportèrent leur vie dans ce quartier devenu le plus riche de la capitale. Toutes les maisons de la rue avaient été changées en bureaux par les marchands de papier et les porte-plume. Tous ceux qui avaient abandonné leur état pour devenir courtiers, commencèrent d'abord par prêter leurs dos aux agioteurs ravis de trouver un appui pour gribouiller les calculs de leurs illusions. Devant la réussite de cette activité, ils ne tardent pas à fournir leur plume alerte à ceux qui ne savent pas écrire ou s'exprimer. Au dernier impair de cette voie on est abusé par ce qui paraît être une fenêtre en trompe- l'œil. L'observateur perspicace, qui a reconnu derrière cette fiction, une véritable ouverture travestie en occhi belli, voit, certaines nuits une ombre tourmentée. Le nouveau Maquet qui vit là, fidèle à la tradition, prête sa plume à quelques margoulins qui démarquent sa prose pour se l'approprier et s'enrichir à bon compte. C'est clair, précis, définitif. Définitif ? Est-ce bien sûr ? Il travaille face à un avenir auquel il est promis et déjà livré.

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Publié le 04 avril 2013
Nombre de lectures 54
Langue Français

Extrait

Conte à dormir debout
Quand Law, cet alchimiste de la finance, qui transformait l'or des crédules en papier, y installa sa Banque générale, la rue Quincampoix, populairement appelée rue des Mauvaises Paroles, fut livrée à la fureur de l'agiotage, une partie des habitants de Paris transportèrent leur vie dans ce quartier devenu le plus riche de la capitale. Toutes les maisons de la rue avaient été changées en bureaux par les marchands de papier et les porte-plume. Tous ceux qui avaient abandonné leur état pour devenir courtiers, commencèrent d'abord par
prêter leurs dos aux agioteurs ravis de trouver un appui pour gribouiller les calculs de leurs illusions. Devant la réussite de cette activité, ils ne tardent pas à fournir leur plume alerte à ceux qui ne savent pas écrire ou s'exprimer.
Au dernier impair de cette voie on est abusé par ce qui paraît être une fenêtre en trompe-l'œil. L'observateur perspicace, qui a reconnu derrière cette fiction, une véritable ouverture travestie en occhi belli, voit, certaines nuits une ombre tourmentée. Le nouveau Maquet qui vit là, fidèle à la tradition, prête sa plume à quelques margoulins qui
démarquent sa prose pour se l'approprier et s'enrichir à bon compte. C'est clair, précis, définitif. Définitif ? Est-ce bien sûr ? Il travaille face à un avenir auquel il est promis et déjà livré. Mais adossé au marbre sur lequel il rêve de voir graver son nom, il regarde parfois à la dérobée, par dessus l'épaule, la ligne ténue qui l'en sépare et nous offre une remarquable biographie de celui qui démontra à ceux qui voulaient bien regarder qu'un corps deux fois plus lourd ne tombe pas deux fois plus vite, puis plus tard, l'histoire d'un enfant « émaillée de vrai comme les cailloux du Petit Poucet ». Plus tard,il répond à l'invitation
de Léon Bloy : «S'il se rencontrait un homme assez courageux pour entreprendre une continuation de mon Exégèse, voici quelques Lieux communs assez importants que j'ai laissés sur mon assiette et qui pourront le sustenter provisoirement ». Et,sans doute guidé parquelque chose de fondamental, d'irrépressible - peut-être liée à son passé -, il s'attache à dénoncer «la terrible injustice subie par Caïn, premier des justes, depuis que le monde est monde !».
Puisque que personne ne veut le suivre dans cette entreprise, il se fie à lui et soutient cette gageure.
Depuis vingt ans déjà, il s'éreinte à user de toutes les ressources que lui offrent les Saintes Écritures, la syntaxe, la sémantique, la grammaire et la morphologie de l'hébreu, dans sa structure formelle. Mais la question reste posée. Mais qu'est-ce que le texte situé au tout début du livre de la Genèse veut-il bien dire ? L'offrande de Caïn précède-t-elle vraiment celle d'Abel ? Pourquoi le silence entoure-t-il Abel : il ne parle pas et personne ne lui parle, pas même Yahvé ? Que Caïn dit-il à son frère quand ils sont aux champs ? Pourquoi ce trou narratif ? Est-ce la preuve que la parole ne parvient pas à s'instaurer entre les deux frères, qu'il n'y a pas de communion
possible, que ce silence laisse préjuger le meurtre ?
Notre Maquet va et vient en murmurant entre ses dents: Ah ! Que ne puis-je aller y voir moi-même ?
Un beau soir, un explorateur venu de Tralfamadore, consterné par une telle affliction, se pencha sur lui et dit : «Il est totalement ridicule de se lamenter ainsi. Ne savez-vous donc pas que tout le temps est le temps du tout. Il est inaltérable. Il ne se prête pas aux raisonnements. Il existe, un point c'est tout. Décomposez-le en moments et vous comprendrez.» Avez-vous oublié le référentiel Galiléen :
? Pour passer il vous suffit d’ajouter aux coordonnées spatiales -x, y, z- une coordonnée temporelle, et voilàque « en toute logique », nous nous trouvons transportés dans la Quatrième dimension. Qu'attendez-vous ? ».
Aussitôt, sans plus attendre, à l'insu de tous - il s'engage dans une faille du temps.
Dès son retour, un millième de seconde plus tard, il poursuit son œuvre, un sourire énigmatique au coin des lèvres...
JPL Mars 2013
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