Guy de MaupassantB o m b a r dBoule de suif, P. Ollendorff, 1907 (pp. 117-125).B o m b a r dSimon Bombard la trouvait souvent mauvaise, la vie ! Il était né avec une incroyableaptitude pour ne rien faire et avec un désir immodéré pour ne point contrarier cettevocation. Tout effort moral ou physique, tout mouvement accompli pour unebesogne lui paraissait au-dessus de ses forces. Aussitôt qu’il entendait parlerd’une affaire sérieuse il devenait distrait, son esprit étant incapable d’une tensionou même d’une attention.Fils d’un marchand de nouveautés de Caen, il se l’était coulé douce, comme ondisait dans sa famille, jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans.Mais ses parents demeurant toujours plus près de la faillite que de la fortune, ilsouffrait horriblement de la pénurie d’argent.Grand, gros, beau gars, avec des favoris roux, à la normande, le teint fleuri, l’œilbleu, bête et gai, le ventre apparent déjà, il s’habillait avec une élégance tapageusede provincial en fête. Il riait, criait, gesticulait à tout propos, étalant sa bonne humeurorageuse avec une assurance de commis-voyageur. Il considérait que la vie étaitfaite uniquement pour bambocher et plaisanter, et sitôt qu’il fallait mettre un frein àsa joie braillarde, il tombait dans une sorte de somnolence hébétée, étant mêmeincapable de tristesse. Ses besoins d’argent le harcelant, il avait coutume derépéter une phrase devenue célèbre dans son entourage :— Pour dix mille francs de rente, je me ferais ...
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