YvetteGuy de MaupassantBertheLe Figaro, 20 octobre 1884Mon vieil ami (on a parfois des amis beaucoup plus âgés que soi), mon vieil ami ledocteur Bonnet m’avait souvent invité à passer quelque temps chez lui, à Riom. Jene connaissais point l’Auvergne et je me décidai à aller voir vers le milieu de l’étéde 1876.J’arrivai par le train du matin, et la première figure aperçue sur le quai de la gare futcelle du docteur. Il était habillé en gris et coiffé d’un chapeau noir, rond, de feutremou, à larges bords, dont le fond, très haut, allait se rétrécissant en forme de tuyaude cheminée, un vrai chapeau auvergnat qui sentait le charbonnier. Ainsi vêtu, ledocteur avait l’air d’un vieux jeune homme, avec son corps fluet sous son vestonclair et sa grosse tête à cheveux blancs.Il m’embrassa avec cette joie visible qu’ont les gens de province en voyant arriverdes amis longtemps désirés, et, étendant la main autour de lui, il s’écria, plein defierté : « Voici l’Auvergne ! » Je ne voyais qu’une ligne de montagnes devant moi,dont les sommets, pareils à des cônes tronqués, devaient être d’anciens volcans.Puis, levant le doigt vers le nom de la station écrit au front de la gare, il prononça :– Riom, patrie des magistrats, orgueil de la magistrature, qui devrait être bien plutôtla patrie des médecins.Je demandai :– Pourquoi ?Il répondit, en riant :– Pourquoi ? Retournez ce nom et vous avez mori, mourir… Voilà jeune homme,pourquoi je me suis installé dans ce pays.Et ...
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