Banq route
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Les conséquences locales (déjantées) de la crise économique.

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Publié le 05 mai 2014
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Banq'route
Agence Banque Pop'® de Neuneu-les-Mines, samedi deux mai deux mille quinze. Il est neuf heures du matin. Le directeur d'agence débute sa journée de travail malgré la fermeture de l'ensemble du système bancaire européen. Faisant preuve de courage et d'abnégation, le voilà près à affronter les foules en colère, les situations désespérées, la mort... et, surtout, Mamie Nouche, quatre-vingt douze ans, doyenne de la commune et chieuse invétérée depuis son plus jeune âge. Selon une légende rurale (urbaine serait un bien grand mot), elle aurait inspiré le personnage de Nelly Olsen danspetite La maison dans la prairie. C'est dire le personnage...
Mais avant toutes choses, petit retour en arrière, au domicile de Monsieur Ralgot (le directeur de l'agence). Il est huit heures du matin ce samedi. Une scène d'une puissance romantique phénoménale se déroule.
« Tu es sûr de devoir y aller mon lapin. Je te l'ai déjà dit ma minouche. Je suis investi d'une mission. Je n'ai pas le droit de décevoir mes clients. La réputation de l'agence Banque Pop'® - Neuneu-les-Mines dépend de moi. ? J'ai peurMais pourquoi ne demandes-tu pas à Jocelyne où à Roger d'y aller à ta place mon lapin. Je crains le pire. Ne t'en fait pas ma minouche. Tout se passera bien. Fais-moi confiance. Je maîtrise parfaitement la situation. Et puis de toute façon, l'agence sera fermée et le distributeur désactivé. Je ne risque absolument rien. Et si jamais le gros Marcel et sa meute de chiens de chasse passaient par là en revenant du bois ? Imagine qu'il n'ai plus de monnaie pour aller au Café des Amis®. Que fera-t-il si il ne peut pas retirer d'argent ? Calme toi ma minouche. Prépares-toi une camomille et retourne te coucher. Je te jure que je ne risque rien. Et même si un danger devait se présenter à moi, n'oublie pas que j'ai suivi une formation d'une heure de self-défense l'année dernière. Tu peux vraiment dormir tranquille ma minouche. »
A l'agence, et ce malgré la fermeture au publique, un travail monstre attends Monsieur Ralgot. Il a décidé de mettre à profit cette journée spéciale pour rattraper toutes les tâches en souffrance. C'est ainsi qu'il commence à trier le courrier de la semaine. Le tas comporte au moins une bonne dizaine de lettres. Par chance, la moitié concernent des retours pour adresses inconnues. Les deux suivantes ont pour objet des demandes de stage pour cet été et seront d'office classées sans suite, la politique de l'établissement étant clair; pas de personnel de moins de cinquante ans, afin de ne pas déstabiliser les usagés. Une autre fait mention du décès récent de Monsieur Bart. Il aurait fait une crise cardiaque en recevant un courrier de la banque, signé du directeur lui-même. Il a survécu à la guerre (laquelle par contre, cela reste une énigme), à un crash aérien ainsi qu'à un concert de Mireille Mathieu. Mais il n'a pas résisté à ce courrier... de condoléances lui annonçant... sa propre mort. Paix à son âme. Enfin, les deux derniers plis sont relatifs à l'organisation du concours «Miss Grand-Mère Pays d'ici», dont l'agence est le partenaire principal, et à une demande de remboursement de frais d'ostéopathe pour une mamie ayant marché et glissé sur un pigeon qui se tenait juste devant la porte d'entrée de la banque. Pas de quoi fouetter un chat donc.
Histoire placée sous licence Creative Commons by-nc-nd – Clément Hourseau / Univers Parallèle - 2014
La seconde tâche qui incombe à Monsieur Ralgot consiste à s'informer sur les nouveaux produits mis en place par le siège parisien. Passant outre les prêts immobiliers et les offres «jeunes »,il consulte directement les plans épargne retraite et ainsi que les plans obsèques. Deux références attirent particulièrement son attention. » est destiné aux quadra et quinquagénairesplan épargne retraite «fleur de l'âge« Le n'ayant pas ou peu d'épargne en banque. D'un rendement net de zéro virgule huit pour cent par an, il représente le produit d'épargne ultime et incontournable pour se constituer une rente future. » Ainsi que plan obsèques «« Le». Parce que la mort est inévitable et peux frapper àmou du bulbe tout moment de la vie (en même temps, lorsque l'on ne vit plus il n'y a plus vraiment de risques de mourir), il est primordiale de l'anticiper afin de délester ses proches d'un poids humain et financier. A partir de soixante euros par mois, bénéficiez, grâce au plan obsèques « moudu bulbe», d'une remise extraordinaire de vingt-cinq pour cent sur le coût de vos funérailles. » C'est certain qu'avec de tels produits à proposer à ses clients, Monsieur Ralgot va faire fureur auprès des petits vieux de la bourgade. Un vrai tabac...
La minute découverte terminée, v'la ti pas que Mamie Nouche se présente devant la grille métallique abaissée de l'agence. Faisant fi du papier manuscrit indiquant la fermeture exceptionnelle, elle se met à tambouriner sur le rideau de fer avec sa canne jusqu'à ce que quelqu'un, Monsieur Ralgot, vienne à sa rencontre.
« Noussommes exceptionnellement fermés Madame. Repassez dans le courant de la semaine prochaine. Avec un peu de chance on sera ouverts. Tu rigoles pas un peu là, espèce de Blanc-bec ? Tu vas me laisser entrer fissa, sinon je te balance ma canne là où je pense. Non mais ô. Ils se croient tout permit les jeunes d'aujourd'hui... C'est impossible Madame Nouche. La décision ne vient pas de moi, mais des autorités nationales. Tu peux te les carrer où je pense moi tes autorités nationales. Laisses-moi entrer et pis c'est tout. Non je regrette. Je vais m'énerver si vous continuez jeune homme. Je vais aller porter plainte... Pour quelle raison ? Publicité mensongère ! Gné ? Vous prétendez être une banque qui serait « populaire ». Vous prenez vraiment vos clients pour des mou du bulbe ou quoi ? En parlant de mou du bulbe, j'ai un plan obsèque qui vient de sorti et qui pourrait vous intéresser Madame Nouche. Parle-moi encore une seule d'obsèques et c'est toi qui va en avoir besoin de ton plan. Espèce de pédoncule !
Histoire placée sous licence Creative Commons by-nc-nd – Clément Hourseau / Univers Parallèle - 2014
La discussion dura comme ça encore pendant quelques minutes, jusqu'à ce que Monsieur Ralgot l'emporte à l'usure. Il est l'heure pour Mamie Nouche d'aller retirer ses confitures du feu et de les mettre en bocaux. Quelques minutes de retard et ce serait une catastrophe culinaire. La patience l'a donc emporté. Une fois de temps en temps, cela ne fait pas de mal de sortir de crise. Même si il ne s'agit que d'une crise de nerf.
Exténué par cette demi journée harassante, Monsieur Ralgot profite de sa pose de midi pour se rendre au bar PMU® dans lequel il a ses habitudes. Comme chaque jour, il joue ses numéros fétiches au Rapid'eau®. Comme d'habitude, il s'attend à perdre. Comme d'habitude, il jette son reçu de jeu à la poubelle avant même le tirage. Comme d'habitude, Momo, le gérant, balance ses déchets dans la même poubelle, recouvrant le ticket du directeur d'agence. Et bien sûr, comme d'habitude... ah ben non, aujourd'hui v'la ti pas qu'il touche le gros lot Monsieur Ralgot ! Un gain de cinq cents mille euros ! Fou de joie, il redescend sur Terre plus rapidement encore que les cours de la bourse ( ceux de mille neuf cent vingt-neuf) lorsqu'il réalise qu'il a jeté sa preuve de jeu... au fond de la poubelle désormais remplie. Peu importe, une telle somme vaut bien un petit sacrifice olfactif.
Pour rendre l'attrait du jeu encore plus grand, les gains sont payés immédiatement, quelle qu'en soit la somme. Il suffit d'indiquer ses coordonnées bancaires sur le terminal du point de jeu est le tour est joué. Pour un banquier, directeur d'agence qui plus est, rien de plus facile. Oui... sauf qu'il n'est plus possible d'effectuer la moindre transaction jusqu'à nouvel ordre. Et ça, ça a échappé à Monsieur Ralgot. Le formulaire de paiement ayant déjà été rempli et transféré par voix électronique à l'opérateur de jeu, il n'est plus possible de faire marche arrière. La situation bancaire étant ce qu'elle est, les chances que Monsieur Ralgot touche un jour son pactole sont aussi élevées que la probabilité pour un trader de perdre cinq milliards d'euros sans que personne ne s'en rendre compte avant coup.
Fou de rage, Monsieur Ralgot retourne à l'agence. Sur le chemin (cinq minutes de voiture), il aperçoit Madame Nouche qui cherche de nouveau à l'alpaguer. N'étant pas vraiment d'humeur, il décide de jouer le tout pour le tout. Ca passe ou ça casse. Il appuie à fond sur l'accélérateur, passe la troisième vitesse de sa Regeot® Twinspace®, et fonce, à la vitesse folle de quarante-cinq kilomètres heure, sur Madame Nouche, qui, ne se remettra visiblement pas... de sa crise de rire... A peine absorbé par son envie d'homicide (volontaire), le banquier n'avait pas pris garde à la voiture de police qui arrivait en face. Il n'a finalement pas pu l'éviter et l'a percuté de plein fouet. Une grosse crise de rire plus tard, Madame Ralgot fût transportée à l'hôpital pour une luxation de la mâchoire. A pied et après s'être vu remettre une convocation au commissariat pour le lendemain, Monsieur Ralgot peut enfin retourner à l'agence. Il ne touchera pas le gain de son jeu et en plus il n'a plus de voiture ni de permit de conduire. Sacrée journée de merde, où l'énigmatique loi de Murphy prend enfin tout son sens.
Arrivé dans son bureau, toujours remonté contre les autorités (financières et policières), il s'assied devant son écran d'ordinateur et rédige un mail au vitriol (quoi que...) qu'il adresse à Madame Christine L., Présidente du Fond Monétaire International.
« Madame,vos méthodes de travail abracadabrantesques sont pour moi à l'origine d'un désastre financier sans précédent. Pour la première fois j'ai gagné à un jeu de hasard. J'aurais enfin pu me payer mon séjour de rêve au Nov'Hotel® de New-York. J'aurais également pu m'offrir les services d'une femme de chambre (comme à l'hôtel)... Mais non, vous avez fait irruption dans ma vie, hier soir, en décrétant la fermeture du système bancaire. Honte à vous Madame L. Honte sur vous et sur votre descendance!! Si Histoire placée sous licence Creative Commons by-nc-nd – Clément Hourseau / Univers Parallèle - 2014
jamais je décide de me suicider, vous aurez ma mort sur la conscience. N'oubliez pas que je suis un banquier ! Et comme vous le savez si bien, on ne sais jamais ce qui se passe dans la tête d'un banquier. A un instant précis il gagne la somme folle de cinq cents euros sur un coups de génie en bourse, et dans la minute qui suit, il saute du premier étage de son agence. Prenez garde Madame L. ma vie ne tient plus qu'à un fil. Vous êtes prévenue ! »
La journée touche à sa fin. Exténué mais toujours en vie (la fenêtre de la salle de pause est bloquée depuis un bon mois et personne n'est encore venu la réparer), Monsieur Ralgot rentre chez lui, couvert de marques sur le corps.
– «Mon lapin, qu'est-ce qui t'es arrivé ? C'est la foule en colère qui t'a fais ça à cause de ler fermrture de la banque ? – Non! J'ai essayé d'en finir... j'ai voulu sauter par la fenêtre mais je n'ai pas pu l'ouvrir. Ensuite j'ai essayé de me pendre, mais le faux plafond a cédé sous mon poids. Pour terminer j'ai tenté de me trancher la gorge et le bras avec les gobelets en plastique de la fontaine à eau, mais j'ai juste réussi à me griffer. Et pour finir j'ai voulu tuer une vieille mis j'ai jute réussi à emboutir la voiture et j'ai aussi perdu un demi millions d'euros au Rapid'eau® Bref, j'ai passé une journée de merde... J'aurais mieux fais de rester couché. – Tucrois que tu vas réussir à t'en remettre ? – Jene sais pas, mais ça plus la soirée à la noix avec mon abruti de neveu hier, avec ses « confiotes »de «grand-mamie »et son pessimisme sans fondements, j'en peux plus... Je sature.
Ce texte a été écrit grâce à un netbook « propulsé » à l'énergie garantie 100% solaire Toute ressemblance avec des marques, personnes ou situations existantes ou ayant existé sont purement fortuites (ou presque) Contrairement aux apparences, aucune vieille dame n'a été forcé de signer un plan obsèque
Histoire placée sous licence Creative Commons by-nc-nd – Clément Hourseau / Univers Parallèle - 2014
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