Edgar Allan PoeHistoires extraordinairesTraduction Charles Baudelaire.Michel Lévy frères, 1869 (pp. 209-285).>D’après les nouvelles les plus récentes de Rotterdam, il paraît que cette ville estdans un singulier état d’effervescence philosophique. En réalité, il s’y est produitdes phénomènes d’un genre si complètement inattendu, si entièrement nouveau, siabsolument en contradiction avec toutes les opinions reçues, que je ne doute pasqu’avant peu toute l’Europe ne soit sens dessus dessous, toute la physique enfermentation, et que la raison et l’astronomie ne se prennent aux cheveux.Il paraît que le… du mois de… (je ne me rappelle pas positivement la date), unefoule immense était rassemblée, dans un but qui n’est pas spécifié, sur la grandeplace de la Bourse de la confortable ville de Rotterdam. La journée étaitsingulièrement chaude pour la saison, — il y avait à peine un souffle d’air, et la foulen’était pas trop fâchée de se trouver de temps à autre aspergée d’une ondéeamicale de quelques minutes, qui s’épanchait des vastes masses de nuagesblancs abondamment éparpillés à travers la voûte bleue du firmament.Toutefois, vers midi, il se manifesta dans l’assemblée une légère mais remarquableagitation, suivie du brouhaha de dix mille langues ; une minute après, dix millevisages se tournèrent vers le ciel, dix mille pipes descendirent simultanément ducoin de dix mille bouches, et un cri, qui ne peut être comparé qu’au rugissement duNiagara, retentit ...
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