Augustine de Villeblanche
ou
le Stratagème de l'amour
De tous les écarts de la nature, celui qui a fait le plus raisonner, qui a paru le plus
étrange à ces demi-philosophes qui veulent tout analyser sans jamais rien
comprendre, disait un jour à une de ses meilleures amies Mlle de Villeblanche dont
nous allons avoir occasion de nous entretenir tout à l'heure, c'est ce goût bizarre
que des femmes d'une certaine construction, ou d'un certain tempérament, ont
conçu pour des personnes de leur sexe. Quoique bien avant l'immortelle Sapho et
depuis elle, il n'y ait pas eu une seule contrée de l'univers, pas une seule ville qui ne
nous ait offert des femmes de ce caprice et que, d'après des preuves de cette
force, il semblerait plus raisonnable d'accuser la nature de bizarrerie, que ces
femmes-là de crime contre la nature, on n'a pourtant jamais cessé de les blâmer, et
sans l'ascendant impérieux qu'eut toujours notre sexe, qui sait si quelque Cujas,
quelque Bariole, quelque Louis IX n'eussent pas imaginé de faire contre ces
sensibles et malheureuses créatures des lois de fagots, comme ils s'avisèrent d'en
promulguer contre les hommes qui, construits dans le même genre de singularité, et
par d'aussi bonnes raisons sans doute, ont cru pouvoir se suffire entre eux, et se
sont imaginé que le mélange des sexes, très utile à la propagation, pouvait très
bien ne pas être de cette même importance pour les plaisirs. A Dieu ne plaise que
nous ne prenions aucun parti là-dedans... n'est-ce ...
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