P H I L I P P EF O R E S T Aragon Gallimard « Etje peux bien raconter l’histoire d’autrui, c’est toujours la mienne. Toujours le mien, le temps qui ne passe pas. Le temps changé, mais rien n’y change. Une plage à perte de vue et le vent des sables soudain. » Louis A&'()*,Théâtre/Roman. P R O L O G U E Je me méfie de la mémoire. Elle fabrique à foison de faux souvenirs que l’on prend pour des vrais. Je crois avoir aperçu une fois Aragon : vers la fin des années 1970 ou le début des années 1980, du côté de Montparnasse, en haut d’une rue de Rennes interdite aux automobiles, défilant avec quelques autres en tête d’un immense cortège politique protestant contre je ne sais plus quoi. Sa formidable silhouette de vieillard fantôme semblait à elle seule porter témoignage pour toute la légende d’un siècle qui déjà, avec lui, touchait à sa fin, écrivain gigantesque dont l’adolescent que j’étais alors n’avait sans doute lu qu’un ou deux romans mais qui, de lui, connaissait par cœur, comme tout le monde,viaFerré etviaFerrat, des vers par centaines. La vraisemblance d’une telle anecdote, si j’y réfléchis, me paraît très douteuse aujourd’hui. Vu son âge, vu sa vie, à l’époque, Aragon devait se montrer assez peu assidu en de telles occasions. Et, en ce qui me concerne, autant en faire l’aveu au lecteur — qu’il ne m’en tienne pas grief!
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