Contes divers (1889)Guy de MaupassantAprèsMes chéris, dit la comtesse, il faut aller vous coucher.Les trois enfants, filles et garçon, se levèrent, et ils allèrent embrasser leur grand-mère.Puis, ils vinrent dire bonsoir à M. le curé, qui avait dîné au château comme il faisaittous les jeudis.L'abbé Mauduit en assit deux sur ses genoux, passant ses longs bras vêtus de noirderrière le cou des enfants, et, rapprochant leurs têtes d'un mouvement paternel, illes baisa sur le front d'un long baiser tendre.Puis, il les remit à terre, et les petits êtres s'en allèrent, le garçon devant, les fillesderrière."Vous aimez les enfants, monsieur le curé, dit la comtesse.- Beaucoup, Madame."La vieille femme, leva sur le prêtre ses yeux clairs."Et... votre solitude ne vous a jamais trop pesé ?- Si, quelquefois."Il se tut, hésita, puis reprit : "Mais je n'étais pas né pour la vie ordinaire.- Qu'est-ce que vous en savez ?Oh ! Je le sais bien. J'étais fait pour être prêtre, j'ai suivi ma voie."La comtesse le regardait toujours :"Voyons, monsieur le curé, dites-moi ça, dites-moi comment vous vous êtes décidéà renoncer à tout ce qui nous fait aimer la vie, nous autres, à tout ce qui nousconsole et nous soutient. Qui est-ce qui vous a poussé, déterminé à vous écarter dugrand chemin naturel, du mariage et de la famille ? Vous n'êtes ni un exalté, ni unfanatique, ni un sombre, ni un triste. Est-ce un événement, un chagrin, qui vous adécidé à prononcer des vœux éternels ...
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