Contes divers (1889)Guy de MaupassantAlexandreL'Écho de Paris, 2 septembre 1889Ce fut ce jour-là, à quatre heures,comme tous les jours, qu'Alexandre amena devantla porte de la petite maison du ménage Maramballe la voiture de paralytique à troisroues, où il promenait jusqu'à six heures, par ordonnance du médecin, sa vieille etimpotente maîtresse.Quand il eut placé ce léger véhicule contre la marche, juste à l'endroit où il pouvaitfaire monter facilement, la grosse dame, il rentra dans le logis et on entendit bientôtà l'intérieur une voix furieuse, une voix enrouée d'ancien soldat, qui vociférait desjurons ; c'était celle du maître, l'ex-capitaine d'infanterie en retraite, JosephMaramballe.Puis ce furent un bruit de portes fermées avec violence, un bruit de chaisesbousculées, un bruit de pas agités, puis plus rien, et après quelques instantsAlexandre reparut sur le seuil de la rue, soutenant de toute sa force MmeMaramballe exténuée par la descente de l'escalier. Quand elle fut installée, nonsans peine, dans la chaise roulante, Alexandre passa par-derrière, prit la barretournée qui servait à pousser le véhicule, et le mit en route vers le bord de la rivière.Ils traversaient ainsi tous les jours la petite ville au milieu des saluts respectueux quis'adressaient peut-être au serviteur autant qu'à la maîtresse, car si elle était aiméeet considérée par tous, il passait, lui, ce vieux troupier à barbe blanche, à barbe depatriarche, pour le modèle des ...
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