Anatole FranceAbeille1882ABEILLEÀ Florentin Lorot.ABEILLECHAPITRE PREMIERQui traite de la figure de la terre et sert d’introduction.La mer recouvre aujourd’hui le sol où fut le duché des Clarides. Nul vestige de la ville et du château. Mais on dit qu’à une lieue aularge, on voit, par les temps calmes, d’énormes troncs d’arbres debout au fond de l’eau. Un endroit du rivage qui sert de poste auxdouaniers se nomme encore en ce temps-ci l’Échoppe-du-Tailleur. Il est extrêmement probable que ce nom est un souvenir d’uncertain maître Jean dont il est parlé dans notre récit. La mer, qui gagne tous les ans de ce côté, recouvrira bientôt ce lieu sisingulièrement nommé.De tels changements sont dans la nature des choses. Les montagnes s’affaissent dans le cours des âges ; le fond de la mer sesoulève au contraire et porte jusqu’à la région des nuées et des glaces les coquillages et les madrépores.Rien ne dure. La figure des terres et des mers change sans cesse. Seul le souvenir des âmes et des formes traverse les âges etnous rend présent ce qui n’était plus depuis longtemps.En vous parlant des Clarides, c’est vers un passé très ancien que je veux vous ramener. Je commence :La comtesse de Blanchelande, ayant mis sur ses cheveux d’or un chaperon noir brodé de perles…Mais, avant d’aller plus avant, je supplie les personnes graves de ne point me lire. Ceci n’est pas écrit pour elles. Ceci n’est pointécrit pour les âmes raisonnables qui méprisent les bagatelles et ...
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