À vau-l'eauJoris-Karl Huysmans1882Sommaire1 I2 II3 III4 IVILe garçon mit sa main gauche sur la hanche, appuya sa main droite sur le dosd’une chaise et il se balança sur un seul pied, en pinçant les lèvres.— Dame, ça dépend des goûts, dit-il ; moi, à la place de Monsieur, je demanderaisdu Roquefort.— Eh bien, donnez-moi un Roquefort.Et M. Jean Folantin, assis devant une table encombrée d’assiettes où se figeaientdes rogatons et des bouteilles vides dont le cul estampillait d’un cachet bleu lanappe, fit la moue, ne doutant pas qu’il allait manger un désolant fromage ; sonattente ne fut nullement déçue ; le garçon apporta une sorte de dentelle blanchemarbrée d’indigo, évidemment découpée dans un pain de savon de Marseille. M. Folantin chipota ce fromage, plia sa serviette, se leva, et son dos fut salué par legarçon qui ferma la porte.Une fois dehors, M. Folantin ouvrit son parapluie et pressa le pas. Aux lamesaiguës du froid vous rasant les oreilles et le nez, avaient succédé les fines lanièresd’une pluie battante. L’hiver glacial et dur qui sévissait depuis trois jours sur Parisse détendait et les neiges amollies coulaient, en clapotant, sous un ciel gonflé,comme noyé d’eau.M. Folantin galopait maintenant, songeant au feu qu’il avait allumé, chez lui, avantque d’aller se repaître dans son restaurant.À dire vrai, il n’était pas sans craintes ; par extraordinaire, ce soir-là, la paressel’avait empêché de réédifier, de fond en comble, le bûcher ...
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