Lignages 1
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Description

Serge Marcel Roche LIGNAGES 1 Dans un bonheur très vague On allait au zoo Sous les grandes façades de pierre Méchantes, avec leurs airs sucrés. Quels sont les mots restants Dans ta mémoire vague : Mots manteau communion Kiosque et six jours de guerre, Pas un regard aux magazines, Sur les journaux, Mais l’odeur du papier Et tu passais devant, Puis découpures de femmes habillées, Recettes de cuisine, page triste des jeux, Mot sommaire si tu t’en souviens, Un ouvrage sauvé du feu, populaire, Un lectures pour tous illustrées. Une sorte ensemble d’énervement, De tendresse. La vie flottait à des étages Derrière, loin. Les gens aussi. Cherche-t-on et quoi à cet âge Quand on se vêt d’habits frais Le matin, après des nuits Dont tu ne te souviens 1 Dans l’inconscience du drame, Être à côté, aimer pourtant l’ici, Pas d’autre monde ni d’autre vie Que ce là suspendu à hauteur des mains. Allions à l’école comme si Pas d’hiver ni de pluie. Ailleurs où étais-tu Entre neuf et dix heures Quand je parlais, non moi mais La parole en leurs bouches grises De béton, Il n’a mémoire d’aucun visage Dans l’enclos et toi-même Au passage déjà tu l’oubliais. Je m’étends sur des prés.

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Publié le 23 août 2014
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Langue Français

Extrait

Serge Marcel Roche LIGNAGES 1 Dans un bonheur très vague On allait au zoo Sous les grandes façades de pierre Méchantes, avec leurs airs sucrés. Quels sont les mots restants Dans ta mémoire vague : Mots manteau communion Kiosque et six jours de guerre, Pas un regard aux magazines, Sur les journaux, Mais l’odeur du papierEt tu passais devant, Puis découpures de femmes habillées, Recettes de cuisine, page triste des jeux, Motsommairesi tu t’en souviens, Un ouvrage sauvé du feu, populaire, Unlectures pour tous illustrées. Une sorteensemble d’énervement,De tendresse. La vie flottait à des étages Derrière, loin. Les gens aussi. Cherche-t-on et quoi à cet âge Quand on se vêtd’habits fraisLe matin, après des nuits Dont tu ne te souviens
1
Dans l’inconscience du drame,Être à côté, aimer pourtant l’ici,Pas d’autre monde ni d’autre vieQue ce là suspendu à hauteur des mains. Allions à l’école comme siPasd’hiver ni de pluie.Ailleurs où étais-tu Entre neuf et dix heures Quand je parlais, non moi mais La parole en leurs bouches grises De béton, Il n’a mémoire d’aucun visageDans l’enclos et toi-même Au passagedéjà tu l’oubliais.Je m’étendssur des prés. Rien ne manque mais Nous ne sommes pas là Toi et moi en forme différente, Absents et pourtant tout est vrai, Les ombres vont qui chantent Vers une ressemblance dont Elles n’ont pas idée, Ce n’est qu’odeur des cantiques flottanteEt trainements de pieds, Il n’attend rien pas même que ça finisse.J’aurais aimé lire au sommairePlutôt que tes oracles des mots Commeje te pense. Nous jouions derrière le château, Longuement dans l’indifférence,A courir après des qui sont morts Ou vieux, des qui sont oubliés Entre les pages de ton livre, En attente du feu, Et moi parti depuis Je me manque à chaque seconde, Je suis toujours dans mon proprecœur, Donc jouions et le jeu c’étaitLa fraîcheur de la terre, des caves, Le ciment, ce qui avait l’allureD’un ancien réservoir où nageaientDes poissons dans l’eau sale.
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L’on couraitridiculement Dans un bonheur très vague Et toi qui mesurais le temps Pourquoi n’as-tu parlé, Pour dire quoi il est vrai, Qu’il est l’heure de rentrer,Que la nuit tombe. L’un avait des soldats de plombDans la chambre feutrée, sans poussière, Et sa mère marchait doucement, Formons les rangs pour la guerre Sait-on d’où survient l’ennui, D’entre les meubles, du tapis,De l’autre étrange et laidJusqu’au mystèreQui ouvrait soi-même la porte, Une ombre avec des yeux cernés. Toujours les rideaux tirés En sorte de voilage un peu nuptial, En climat de grisâtre virginité, L’amour devait se faireQuand il dort de l’autre côtéEt les lampes au salon Dans un silence de veuvage. Après tu m’as conduit jusqu’aux steppes lugubres,Les cachées : décors de vitrine, Parfums des grands magasins, Là où les anges passent En se moquant des humains, Arrières de boutique Et d’horribles bureaux,Pour l’heure nous en étionsA cette prison de soi Où l’on jouait des heuresEn attente de quoi. Tu me fais reposer. Et puis ces longues traversées De couloir au bout de rien, Sans odeur, sans bruit.
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Un dimanche aux États-Unis : Longer le cimetière, tourner, Flotter dans un entre-deux, Un ciel bizarre, inhumain, Descendre de voiture Dans un bonheur très lointain, Appréhension légère, Monter les escayers, Gravir le carrelage et Quel que soit ton rang Toujours rester derrière, Le repas, la vaisselle, les voix, Malgré toutc’est un monde,Il y a de la lecture, Des bandes dessinées Et des revues de rien Et l’on peut être là enétant à côté, Il dit que c’était bien. La ville est un soleil Sur les trams, Les arbres hideux. Pourquoi n’as-tu pas dit Que tout est gris et sale, Que tout est vieux, Qu’on fait semblant de vivre, Que c’est interminable attenteSans extase. La ville est une place Avec autour ses bancs Et les marchands de fleurs, On ne parlait plus de la guerre Les pas précipités Dans les alcôves noires Mouraient dans les rizières Ou les maquisd’ailleurs,Un manège tournait Qui tourne encore Au même endroit Où l’onpassait. Il y avait des messieurs A l’allure argentineEt promenant leur chien Ou qui tenaient un livre
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Avec des gants de peau, Ils marchaient faiblement Près de l’eau sous un soleil éteint.Tout se renverse En lui et toi enveloppant Les choses de ton silence Qui fait qu’en apparenceTu n’existes pas, Aussi bien toi dans l’hideurQue lumière ou trace, Tu creuses ton chemin Et tu me laisses seul. Deux mondes incertains Se croisentau coin de l’œilSans contour Tant dans la chambre Qu’enbord des quais lointains, A l’aine qu’accostaient de longuesPéniches noires ou Sous la verrière de la gare les trains, Quand suivant un détour Et les mouchures de la tapisserie, Voir ne pas voir où tu me conduis. Il est dit que ta parole est parole Mais il ne se souvient de, Sinonl’ombrequand on sortait. Hachures. Être à côté. Troublément croire Que tu n’es pas où.Non, pas savoir encore Que les mots sont surface, Crépi, grisure de temps. Être en, soi peut-être Qu’on ignore, dont ils nePrononcentque l’écorceDu nom et leurs dents Nous séparent, butions Contre leurs dents-frontière,
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Contre le mur des bouches, Le tonnerre de ta voix. Confusion des couleurs, Existe un autre monde, Ailleurs, obscurément perçu Par touches de regard, En-delà du plaisir de vaguer Sur les lignes géographiques, Les courbes du climat, Quand d’avance l’on saitQue toutes choses sont Très loin derrière le rêve Ou l’antériorité de la mémoire. Marchions sous un soleil pendu À hauteur debalcons, d’enseignes,Soleil séchant le vent voulant Sortir de nous, désir d’aller devantEt de se rendre où, soif intimée Par tant de lumière, hors, Il pressentait qu’à portée de mainEst un autre décor, Vivre à défaire nuées où tu te tiens. Je crois qu’il te reproche ce silenceEt le bonheur très vague dans les rues, Les attentes chez le pharmacien, L’odeur des commerces,Alors que tu es partout. Ils jetaient par fausse fenêtre Trousse et nu-pieds en plastique Qui tombaient comme caillots de sang Plutôtqu’ouvrir le songe au vrai; Fallait œuvrer pour voirhonneurSur un carton de viande sèche Où seul un signe du mystère Était la fissure de l’encreEt toi, taiseux, tu attendais La sonnerie des anges Ou la pluie. Cour étroite, pareille, L’on y creusait le pot, L’on y thésaurisait l’agate,
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Le bigarreau, des yeux vides, Sans veine, l’on y oubliait quoi, Qu’il y avait eula nuit, L’épouvante qu’on ne savait pas,L’émoi des nerfs quand les sirènes,Puis d’autres cris dans la blancheur,D’autres morts, des palinodies, Que c’était unevie de façades À peindre par-dessus l’horreur.Et les montées périphériques Dans une paix teintée d’ennui, À suivre le bas des murs, L’ enclos des propriétés,À cheminerlà où l’on pisseNon pas de l’autre côté,On se faisait l’Observance,On allait vers le Cimetière Sans croiser beaucoup d’autos.En retrait de soi-même, lui, Toi là-hautplein d’opacité, Non tienne mais celle des mots Qu’on donne à ce qui est ignoré, Gravissions le point du jour Avec lenteur de pas, et toi Entre débris de rire, boutures De propos, étais comme un soleil Nappant les dos. Ah, le bonheur de rien, Aller ainsi Ou se tenir à table Contre le soir. D’un peu hautl’on voyait la plaine,Presque le fruit des arbres, des murs blancs, Le côté gris des choses aussi. Le réel dormantdans l’oubli Semblait une plaque de lumière Posée jusque sur les monts, Avec en-dessous des fusions Et toi qu’on disait au ciel.
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De là n’ouissions pas le bruit d’ailleurs, Ce qui était derrière, la ville Desvrais gens, mais les voix étouffées D’une époque et d’ancêtres,Les locos passant la barrière ou Sur l’herbele vent Entre les cerisiers. [C’était rouge d’un sang vicié,Violet parfois comme violé Sous les doigts, plein de rancune Acide de ne pas savoir quoi, Ne pas connaître qui, D’attendre,choir en nos bouches, Cueilli, d’être salive, ventre, Douleur qu’apaise un peu de noix.Finir ainsi et sans prière.] Ne priait, N’invoquaitpas, sans compter Qu’on ne parlait de la mèreOu des saints mais de rien, Un train saurait mieux faire Et direqu’il s’en vaPendant qu’on nous clouait au vide,À la colère, et toi Dans ton affreux silence Tuvoyaistout, Turegardais. Ton bâton me rassure. Plutôt qu’entendretomber Des lunesd’entre leurs dents, Passions les murs, ne sait comment, Pour être enl’eau des flaques, Des pourritures, Traîner, sentir des odeurs nouvelles, S’étendrecorps et terre, Trouver seul que tu es heureux Même en bord d’égoût, Sur des remuements d’airEt la lenteur d’où, personnePour t’énoncer vraimentAlors il faut aller soi-même, Un jour voyager loin,
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Par un train d’autre époque,Jusqu’à des sablesternes, Ne rien trouver qui vaille au ciel, À la mer, aux là-bas, S’encompagner de quiQu’on ne reverra pas, Faire les poubelles en revenant Sur le bord des villas, Poser pour une photographie : Toi, peut-être un reflet Du corps des arbres Et lui avec ses jambes grêles. Es-tu si tu ne te dis pas. Je me cache autant que tu fuis Avec l’idée d’être né de moiIl y a longtemps, hors du langage, De la férocité, Hors avantl’invention des villes, Des fanfares et du sang, Pas de souvenir d’expulsion,De la jetée, du passage, Il n’est aucun lieu traversé, Tous deux nous nous absentons. Tu m’en veux.Dire n’aimer pas la mertrop large Et que je suis loin, Ce n’est pas ça,un voile entre nous, Des images, C’est tonpersonnage qui joue L’attente près des portesS’inclinant.Tu vas où tu ne sais, Comme en ce temps Conduit par l’obligation de vivreTu allais sachant ne sachant Si le jour en vaut la peine, Peut-être déjà pensant Qu’à cet âge aussi bienTu pourrais ne rien faire, Être là simplement
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Sous les arbres Près de l’eau,Mais tu mens. N’a souvenir des nuéesNi du vent, ni des mots Qu’on disait de toiLeurs mots Dans un endroit très vagueEt de pas même un peu de vérité, De chaleur, quil’eussent atteint. C’est contre cela qu’il fuit, Le devoir signerson pauvre nom d’ennui,Écrire la date au dos de rien Il avait choisi les dessins sans doute C’est ainsi que passe la route,Toi, tu es son berger. Un jour il s’enirait loin de ta face Comme tu l’avais poussé hors de toi,Séparé, il entrerait dans la colère, Cherchant contre qui lutter, Contre qui plaire. Regardant ce qui reste d’avant,Peu, pas même du nécessaire, Étant sauf ce qui en soi Demeure malgré tout Caché très en-dessous Des lignes saisonnières, Enfouisséou quelques photos Grises de la vacance d’êtreEn ce monde-là, on se clichait Rien que de temps en tempsSe dit que tu prendsl’heurPour en faire quoi Et de quel souvenir vivrons Quand nous serons ailleurs En le commun destin Et quelles visions en la tienne Aurons des maigres joies Comme faire dans les allées De risibles voyages en voiture à pédales.
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Allions empropretés, coup serré du dimanche, Sur unbéton d’époque qui voulait oublierLes grandes destructions, marcher en ayant l’air,Parmi rosiers, pelouses, exotiques verrières Et senteurs de crottin, rire mais peu À guignol en ne comprenant rien De ce théâtreassis derrièreC’est que nous devionsnous enterrer La mémoire des morts Et des trains [Toi si haut en-dedans, si loin, Dans ton silence, seulement Le cœur broyé et d’apparence éteint, Tu pleurais de tendresse peut-être] Allions, encore, de l’autre côté,Comme si l’oubli là-bas, L’espoir oupresque pas, Comme on va à la gare, partions. J’habiterai ta maison que je cherche.LIGNAGES 1 Première mise en ligne par l’auteurle 21 août 2014
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