Arthur Rimbaud — Derniers versFêtes de la patienceSommaire1 Bannières de mai2 Chanson de la plus haute tour3 L’Eternité4 Âge d’orBannières de maiAux branches claires des tilleulsMeurt un maladif hallali.Mais des chansons spirituellesVoltigent parmi les groseillesQue notre sang rie en nos veines,Voici ...
Sommaire 1 Bannières de mai 2 Chanson de la plus haute tour 3 L’Eternité 4 Âge d’or
Bannières de mai Aux branches claires des tilleuls Meurt un maladif hallali. Mais des chansons spirituelles Voltigent parmi les groseilles Que notre sang rie en nos veines, Voici s’enchevêtrer les vignes. Le ciel est joli comme un ange, L’azur et l’onde communient. Je sors. Si un rayon me blesse Je succomberai sur la mousse. Qu’on patiente et qu’on s’ennuie C’est trop simple. Fi de mes peines. Je veux que l’été dramatique Me lie à son char de fortune. Que par toi beaucoup, ô Nature, − Ah moins seul et moins nul ! − je meure. Au lieu que les Bergers, c’est drôle, meurent à peu près par le monde. Je veux bien que les saisons m’usent. A toi, Nature, je me rends ; Et ma faim et toute ma soif. Et, s’il te plaît, nourris, abreuve. Rien de rien ne m’illusionne ; C’est rire aux parents, qu’au soleil, Mais moi je ne veux rire à rien ; Et libre soit cette infortune. Mai 1872. Chanson de la plus haute tour Oisive, jeunesse A tout asservie, Par délicatesse J’ai perdu ma vie. Ah ! Que le temps vienne Où les cœurs s’éprennent. Je me suis dit: laisse, Et qu’on ne te voie: Et sans la promesse De plus hautes joies. Que rien ne t’arrête, Auguste retraite. J’ai tant fait patience Qu’à jamais j’oublie; Craintes et souffrances Aux cieux sontarties.
Arthur Rimbaud—Derniers vers
Fêtes de la patience
Et la soif malsaine Obscurcit mes veines. Ainsi la Prairie A l’oubli livrée, Grandie, et fleurie D’encens et d’ivraies Au bourdon farouche De cent sales mouches. Ah ! Mille veuvages De la si pauvre âme Qui n’a que l’image De la Notre-Dame ! Est-ce que l’on prie La Vierge Marie ? Oisive jeunesse A tout asservie, Par délicatesse J’ai perdu ma vie. Ah! Que le temps vienne Où les cœurs s’éprennent ! Mai 1872. L’Eternité Elle est retrouvée. Quoi ? − L’Eternité. C’est la mer allée Avec le soleil. Âme sentinelle, Murmurons l’aveu De la nuit si nulle Et du jour en feu. Des humains suffrages, Des communs élans Là tu te dégages Et voles selon. Puisque de vous seules, Braises de satin, Le Devoir s’exhale Sans qu’on dise: enfin. Là pas d’espérance, Nul orietur. Science avec patience, Le supplice est sûr. Elle est retrouvée. Quoi ?− L’Eternité. C’est la mer allée Avec le soleil. Mai 1872. Âge d’or Quelqu’une des voix Toujours angélique − Il s’agit de moi, − Vertement s’explique : Ces mille questions Qui se ramifient N’amènent, au fond, Qu’ivresse et folie ;
Reconnais ce tour Si gai, si facile : Ce n’est qu’onde, flore, Et c’est ta famille !
Puis elle chante. O Si gai, si facile, Et visible à l’œil nu... − Je chante avec elle, −
Reconnais ce tour Si gai, si facile, Ce n’est qu’onde, flore, Et c’est ta famille !... etc... Et puis une voix − Est-elle angélique ! − Il s’agit de moi, Vertement s’explique ; Et chante à l’instant En sœur des haleines : D’un ton Allemand, Mais ardente et pleine : Le monde est vicieux ; Si cela t’étonne ! Vis et laisse au feu L’obscure infortune. O ! joli château Que ta vie est claire ! De quel Âge es-tu, Nature princière De notre grand frère ! etc... Je chante aussi, moi : Multiples sœurs ! Voix Pas du tout publiques ! Environnez-moi De gloire pudique... etc... Juin 1872.