Leconte de LislePoèmes antiquesAlphonse Lemerre, éditeur, s.d. (pp. 56-64).La Vision de BrahmaTandis qu’enveloppé des ténèbres premières,Brahma cherchait en soi l’origine et la fin,La Mâyâ le couvrit de son réseau divin,Et son cœur sombre et froid se fondit en lumières.Aux pics du Kaîlaça, d’où l’eau vive et le mielFiltrent des verts figuiers et des rouges érables,D’où le saint Fleuve verse en courbes immuablesSes cascades de neige à travers l’arc-en-ciel ;Parmi les coqs guerriers, les paons aux belles queues,L’essaim des Apsaras qui bondissaient en chœur,Et le vol des Esprits bercés dans leur langueur,Et les riches oiseaux lissant leurs plumes bleues ;Sur sa couche semblable à l’écume du lait,Il vit Celui que nul n’a vu, l’Âme des âmes,Tel qu’un frais nymphéa dans une mer de flammesD’où l’Être en millions de formes ruisselait :Hâri, le réservoir des inertes délices,Dont le beau corps nageait dans un rayonnement,Qui méditait le monde, et croisait mollementComme deux palmiers d’or ses vénérables cuisses.De son parasol rose, en guirlandes, flottaientDes perles et des fleurs parmi ses tresses brunes,Et deux cygnes, brillants comme deux pleines lunes,Respectueusement de l’aile l’éventaient.Sur sa lèvre écarlate, ainsi que des abeilles,Bourdonnaient les Védas, ivres de son amour ;Sa gloire ornait son col et flamboyait autour ;Des blocs de diamant pendaient à ses oreilles.À ses reins verdoyaient des forêts de bambous ;Des lacs étincelaient ...
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