I ........................................................................................... 8II ......................................................................................... 11
III .......................................................................................14
IV ........................................................................................16V .........................................................................................18
VI ........................................................................................21
VII ..................................................................................... 24VIII .................................................................................... 28
X ........................................................................................ 35XI....................................................................................... 38
XII ..................................................................................... 40
XIII .................................................................................... 42XIV .................................................................................... 44
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Lucile mest apparue comme ça, à lautomne, entre un rougeoiement de vignes et un envol jaune de feuilles. Comme une revanche faite aux coups du sort, il paraît, parfois, quun esprit très bienveillant veuille nous éclairer lexistence. Cest, dirait-on, un cadeau qui nous arrive alors, nouvelle, succès ou rencontre, une pluie en terre de sécheresse ou le feu croisé au cur de lhiver.Elle est venue, ainsi, radieuse et mutine, la bouche au trouble passé et lil noyé de clair. Si je devine là, mécréant, une main ou, mieux, une baguette féerique, cest parce que Lucile ma regardé et adopté.Bien sûr, jai voulu lui donner les mots, lui expliquer, lenvelopper, mais elle ne savait que rire. Les armes men tombaient. Lorsque, impuissant, je ne sus plus que la regarder, empli de gratitude, de peur et démerveillement, Lucile rit, et elle fut la lumière. Quand je lui parlais, et je la croyais attentive, elle nétait plus humaine, mais déjà splendeur déconcertante. Quétais-je donc, moi, chemineau du charme, séducteur tôt fourbu, forteresse vide, superbe naguère ! Un autre. Je fondais, Lucile, mon âme bleue et grise, elle couverte de cicatrices, coulait, et je voulais quelle te pénétrât !Ma brève vie davec Lucile ne fut pourtant pas quangélique et, là encore, sa sensualité me déroutait. Elle ne me donnait pas à caresser un corps de femme neuf, un autre, avec ses belles différences, non, mais un souffle. Ses chairs savaient se transformer sous mes paumes, mais il me semble que cest un nuage que je mobstinais à
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embrasser. Dans leur fermeté même, leur luxuriance et leurs apothéoses, elle gardait une dimension étrange et impalpable. La seule assurance vraie que je garde de la carnation de Lucile est sa bouche. Tendre, grande, vive, brûlante et avide, tout à la fois rouge, étincelante, fraîche et souple, elle attise le regard et la furie sans doute. Elle est la vivacité du vent et elle engendre, toujours, des cascades de rires ou de rauques psalmodies. Elle est lantre primordial, le plus ancien rêve de lhomme, la caverne et la source, aérienne et nocturne, la vague lunaire réchauffée de désir en son sein. Oh ! Lucile, par quelle alchimie as-tu su sans volition et sans travail me transmuer en feu, haleine incandescente au piège de la retenue ? Pont prisonnier de son enjambement, jerrais en toi suspendu hors de lheure, et tu étais leau qui baigne la pile, et la voussure même du pont, et le pas au-delà, vers lautre monde. Jétais demeure, toi le devenir.Puis je me dis, Lucile, que mon emportement ne me servirait de rien. À quoi bon rêver à tépouser, sinon que je songe à tannexer ? Imagine-t-on un nuage de coin du ciel ficelé à la main de son maître ! Va, évolue comme dois, et laisse-moi te penser comme je le peux. Si tout nest quapparence, peut-être nes-tu quillusion de beauté. Et si, Lucile, vous nétiez quune clef ? Un organe de lumière, un signe, un passage obligé, une promesse ? Mais cest toujours de lamour, Lucile, qui goutte de ma plume et je te jure que cest mon sang qui signe la ligne. Hé quoi ! aurais-je changé, et, serein, je serais plus enclin à admettre que celle-là même que jaime ne mappartient pas ?
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Une clef, Lucile, vous mouvriez les yeux sur un monde plus beau. Votre charme sur moi a laissé, entendez-moi bien, comme un rai de lune qui uvre en secret. Quand vous maurez quitté, belle, me disais-je déjà, et que, évanouie, le songe de vous se subtilisera, noubliez pas que je serai à vos côtés. Vous connaissez, je crois, mes facultés à mabstraire, et vous souvenez comme je vous visitai quelquefois. Sachez alors discerner dans la pénombre le mouvement qui vous cernera, ou distinguer dans la clameur du soleil des scintillements bizarres. Sil se peut que tu te complaises de linvisible présence, mon âme, je serai comblé.Pour lheure, je ne sais si je tattends. Il est toujours chez moi une oscillation entre lamour et lamour daimer. Tu vois, je peins. Je te peins avec mes mots, je joue. Cest la même rêverie quen ta présence, si tu veux, mais avec une dimension laborieuse en plus. Lart est travail, puisque nous en sommes aux poncifs. Toi, tu te fiches de cela, non ? Tu es, simplement, et tout le reste nest que digression. De nos deux modes dêtre, ou de vivre, je ne sais en toute sincérité lequel est le plus positif, ou cohérent, ou raisonnable, si tu préfères. Choisit-on, de toute manière ! Le plus étonnant et pourquoi ! est que nous nous soyons abordés. Imagines-tu ? Deux vaisseaux, solitaires, un rien fantomatiques croisent, entités autonomes et mystérieuses, dans les parages de la solitude. Un cri dans la brume, un regard échappé du bastingage, et cest la reconnaissance ; les grappins sont lancés, les armes sont au pied, les passerelles abattues. Et nous voici, simulant une panne disolement dans locéan fantasque de