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La Guyane française en première ligne
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La Guyane française en première ligne
La tuerie vers l'or
Les milliers de «garimpeiros» qui traquent à la pelleteuse et au mercure les richesses aurifères de
l'immense forêt primaire n'ont que faire des gendarmes et de la faune locale
De notre envoyée spéciale, Sylvie Véran
Cela fait à peine cinq minutes que l'hélicoptère de la gendarmerie a quitté Cayenne. Et l'appareil, un
EC145, survole déjà l'immense forêt primaire humide qui couvre 95% de la Guyane, département français
en Amérique du Sud. Son ombre se déplace sur la canopée ensoleillée, semblable, vue de haut, à un
champ infini de brocolis. Sous les ramures entrelacées d'arbres s'élevant à 30 mètres du sol cohabitent
en autosuffisance depuis des siècles400 000 espèces végétales et animales. Grand comme le Portugal,
ce territoire abrite une des biodiversités les plus riches de la planète. Un écosystème longtemps resté
intact mais désormais menacé.
Depuis environ dix ans, un mal insidieux ronge en effet cette partie est du bassin amazonien, encore
préservée de la déforestation massive observée au Brésil voisin. L'or des sous-sols et des rivières de la
Guyane fait aujourd'hui l'objet d'un braconnage à grande échelle organisé par des traqueurs de métal
jaune, sans précautions écologiques ni respect des réglementations en vigueur. Ces orpailleurs
clandestins, nommés
garimpeiros
, viennent des régions déshéritées du Brésil et du Surinam. Oubliées,
les méthodes douces de tri du minerai à la batée, cette passoire manuelle utilisée il y a peu par les
chercheurs d'or pour récolter quelques pépites.
C'est à la dynamite et de manière totalement anarchique que des hordes d'hommes - estimés à près de
20 000 - attaquent les roches. C'est avec pelleteuses, suceuses et pompes à eau qu'ils ravagent le lit des
rivières, laissant quantité de surfaces défrichées et de boues polluées.
A l'origine de cette nouvelle ruée vers l'or : la divulgation en 1995 par le Bureau de Recherches
géologiques et minières (BRGM) de la carte des bassins aurifères de Guyane. La carte du trésor. Entre-
temps, le cours mondial a flambé (de 11 000 à plus de19 000 euros le kilo entre 2004 et
2008).Tout occupés à développer les exploitations légales _ elles aussi nuisibles à l'environnement _, les
pouvoirs publics locaux ont tardé à réagir à l'arrivée massive d'orpailleurs sans foi ni loi, présents
aujourd'hui sur environ 500 sites en forêt.
Vue du ciel, cette réalité ne saute pas aux yeux.
«Parce que cette forêt reste heureusement encore peu
fragmentée, on peut voler pendant vingt minutes comme nous venons de le faire sans voir une trouée
,
observe le colonel Daniel Strub, chef d'état-major de la gendarmerie en Guyane.
Pour éviter d'être piégés,
ces gens travaillent à l'abri de la canopée. Seul le regard aiguisé de nos pilotes permet de détecter du
matériel en action. Un autre indicateur est la cou leur des criques
[NDRL : rivières en Guyane].
Un cours
d'eau dans lequel sont rejetées des boues vire à l'ocre. Il suffit de le remonter pour trouver ses pollueurs.»
En cette fin novembre, le colonel Daniel Strub se rend dans différentes brigades de la région du fleuve
Maroni pour visiter ses troupes : 470 permanents souvent isolés à deux ou trois dans des villages situés à
plusieurs jours de pirogue d'une ville. Avec, en renfort, 371 gendarmes mobiles. Mais dans ce
département équivalent à 1/6 de la France, les militaires peinent à combattre des garimpeiros de plus en
plus offensifs et armés. Après la visite, en février dernier, de Nicolas Sarkozy et du lancement par celui-ci
d'un plan Harpie, les gendarmes ont reçu des moyens en hommes et en matériel. Les postes de contrôle
terrestres et fluviaux ont été multipliés, les campements en forêt détruits. Et le nombre des clandestins,
orpailleurs compris, a immédiatement diminué.
«Le problème, dit
Alexis Touka, maire adjoint du village
amérindien d'Awala-Yalimapo,
c'est que cette opération n'a duré que trois mois alors que Sarkozy avait
promis qu'elle se poursuivrait autant que nécessaire. Des centaines de pirogues chargées en garimpeiros
et en matériel sont alors aussitôt réapparues sur les fleuves.»
L'orpaillage illégal ne détruit pas que la forêt. Le mercure utilisé par les garimpeiros pour amalgamer les
paillettes, après filtrage de l'eau (700 grammes par kilo d'or), finit dans les rivières où ce métal lourd
contamine la chaîne alimentaire : plantes, poissons herbivores puis carnivores, pour aboutir
à haute dose dans le ventre du plus gros des prédateurs, l'aïmara, sorte d'énorme brochet, source de
protéines des populations amérindiennes. Des taux de mercure supérieurs à cinq fois le seuil acceptable
ont été relevés sur celles-ci. Ce n'est pas tout. Sous ? l'effet des pluies, le métal se disperse partout. En
retournant des tonnes de sédiments et de boues (1 tonne pour 1 à 3 grammes d'or), les orpailleurs
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