Malgré les réformes mises en oeuvre, la suprématie de la série S ne se dément pas. Elle reste une filière « élitiste », qui ouvre toutes les portes pour accéder à l'enseignement supérieur avec les meilleures chances de réussite, mais qui n'oriente pas suffisamment vers les sciences. Tel est le constat du présent rapport dont les auteurs estiment que cette situation est la conséquence à la fois d'un échec des enseignements de détermination en classe de seconde qui pré orientent les élèves plus qu'ils ne les aident à se déterminer, et de caractéristiques propres à cette série : part importante d'enseignements généralistes, enseignement scientifique perçu encore comme aride, spécialités en terminale dont l'effet n'est pas celui escompté, très (trop) haut niveau d'exigences de la part des enseignants. Pour y remédier, le rapport préconise d'instaurer en seconde une préparation au choix qui permette aux élèves d'aborder tous les grands domaines de formation qui s'offrent à eux en les articulant avec les grands types de débouchés et d'organiser l'enseignement au cycle terminal autour d'un tronc commun et d'enseignements d'approfondissement dont le poids augmenterait entre la première et la seconde afin que les élèves effectuent un choix progressif.
Paternité, pas d'utilisation commerciale, partage des conditions initiales à l'identique
Langue
Français
Extrait
Rappor-tn° 2007-09`0Novembre 200
InspectiongénéraleInspectiongénéradlel’administration detaoinane’ldÉcuetdelationaleehceRcrehucatlÉdnatiionenolad La série scientifique au cycle terminal du lycée : articulation avec le cycle de détermination et orientation vers les études supérieures Rapportàmonsieurleministrede l’Éducation nationale, àmadamelaministredel’EnseignementsupérieuretdelaRecherche
MINISTERE DE LEDUCATION NATIONALE,MINISTERE DE LENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE_____ Inspection générale de l’administration Inspection générale de l’éducation nationale de l’éducation nationale et de la recherche _____ Lasériescientifiquecayucleterminaldulycée:articulationavecclyeclededéterminationet orientation versssupérieeureéstudelNOVEMBRE 2007 RapporteursJean MOUSSAClaudine PERETTIDaniel SECRETAN Inspecteur général Inspectrice générale de l’administration Inspecteur général de l’éducation nationale l’éducation nationale dede l’éducation nationale et de larecherche
Ont participé à la mission : Philippe FORSTMANN, Renaud NATTIEZ, IGAENR Catherine BECCHETTI-BIZOT, Jean-Yves CHATEAU, Josée KAMOUN, Norbert PERROT, Dominique ROJAT, IGEN
1. Un positionnement de la série S au sein du lycée général et technologique qui ne répond pas aux intentions initiales ni aux intitulés des cycles et des séries ..................................................................... 91.1. Une suprématie qui ne se dément pas........................................................................ 9
1.1.1. Une série élitiste .................................................................................................... ................. 91.1.2. dont les élèves se distinguent par leur origine sociale favorisée et leurs résultats scolaires élevés ..................................................................................................................... 101.1.3. qui ouvre toutes les possibilités de pour suite d’études dans l’enseignement supérieur ....... 121.1.4. avec les meilleur es chances de réussite ................................................................................ 141.1.5. mais que les élèves ne choisissent pas majoritairement par goût pour les sciences............. 14
1.2. Des options de Seconde qui pré orientent les élèves plus quelles ne les aident à se déterminer ............................................................................................ 15
1.2.1. Des enseignements de détermination qui ne jouent pas leur rôle ............................................. 161.2.2. Des tentatives pour augmenter les vocations scientifiques encore peu convaincantes ............. 18
1.3. Une situation paradoxale .......................................................................................... 21
1.3.1. Une série dite « scientifique » qui porte mal son nom .............................................................. 211.3.2. Un enseignement scientifique qui apparaît encore trop aride .................................................. 221.3.3. Des spécialités qui n’ont pas les effets escomptés..................................................................... 251.3.4. Une série victime de son image ................................................................................................. 27
2. ce qui amène à repenser lorganisation du lycée général et technologique................................................................................................29
2.1. Quelles solutions envisager ?.................................................................................... 292.1.1. Peut-on maintenir l’organisation actuelle ? ............................................................................. 292.1.2. Devrait-on renforcer le caractère scientifique de la série S? ................................................... 332.1.3. Devrait-on fusionner les trois séries générales ? ...................................................................... 35
2.2. Propositions................................................................................................................ 362.2.1. Une solution minimale : repenser les enseignements de détermination en classe de seconde.................................................................................................................................. 362.2.2. Réorganiser le cycle terminal.................................................................................................... 40
Introduction Face à la poursuite du déclin de la série littéraire, le ministre de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche avait demandé à linspection générale de léducation nationale et à linspection générale de ladministration de léducation nationale et de la recherche, dans le cadre de leur lettre de mission 2005-2006, de dresser « le bilan des mesures prises pour revaloriser la série littéraire au lycée ». Au terme de leur analyse, les inspections ont conclu que, faute dune approche systémique, les mesures prises ont, en général, produit leffet inverse de celui escompté. Elles préconisaient, plutôt que de spécialiser les trois séries ou de créer une voie unique, de réaffirmer le caractère général de lensemble des études secondaires conduisant à des études supérieures longues. Cette proposition touchait à léconomie générale du lycée denseignement général et technologique et le ministre a demandé aux inspections de poursuivre la réflexion en inscrivant à leur programme de travail 2006-2007 une mission détude sur « La série scientifique au cycle terminal du lycée : articulation avec le cycle de détermination et orientation vers les études supérieures »1. Le libellé de la mission prend en compte la situation particulière dans laquelle se trouve la série scientifique. En effet, si cette dernière apparaît dans une position nettement plus favorable que la série littéraire, puisque le nombre de bacheliers S na baissé que de 5,5 % entre 1995 et 2005, contre 30,8 % pour les L, la quasi stagnation de la part quelle occupe au sein du second cycle denseignement général et technologique, contraste avec sa forte attractivité. Le fait que près dun tiers des bacheliers scientifiques ne poursuivent pas leurs études supérieures dans ce domaine et que cette proportion soit croissante font, par ailleurs, naître des inquiétudes sur la capacité de la France à former les scientifiques dont son économie, son enseignement et sa recherche ont besoin. Bien que la désaffection pour les études supérieures en sciences doive être relativisée car elle ne concerne que certaines formations universitaires en sciences fondamentales et nest pas un phénomène propre à la France, et que ses conséquences soient sujettes à controverse,2de la série S dans lorientation et laelle amène à sinterroger sur le rôle formation des futurs scientifiques. Cette interrogation se trouve renforcée par le désintérêt croissant, de la seconde à la terminale, que manifestent les élèves pour les sciences3.
1Cf. Lettre de mission de linspection générale de léducation nationale et de linspection générale de ladministration de léducation nationale et de la recherche pour lannée scolaire et universitaire 2006-2007, du 1erseptembre 2006, BOEN n° 34 du 21 septembre 2006. 2Cf. « Les filières scientifiques et lemploi », Les dossiers de la DEPP, n°177, septembre 2006 3Voir notamment, « Limage des sciences physiques et chimiques au lycée », Les dossiers de la DEPP, n°181, mars 2007
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Pour traiter cette problématique, la mission sest attachée, en premier lieu, à mettre en évidence les raisons qui expliquent cette situation ; elle sest en particulier intéressée au rôle des enseignements de détermination en classe de seconde dans le choix de la série scientifique et à limpact des enseignements de spécialité en terminale sur lorientation dans lenseignement supérieur. Puis, partant de ce constat, elle a cherché à dessiner des pistes dévolution, en gardant présent à lesprit que la question du statut de la série scientifique nest pas nouvelle et quelle est délicate. La réforme pédagogique des lycées mise en uvre il y a une quinzaine dannées se donnait, en effet, déjà pour objectif de mettre fin à la suprématie de cette série et de rééquilibrer les différents itinéraires du lycée. Or, elle ny est en rien parvenue. Composée de trois inspecteurs généraux de ladministration de léducation nationale et de la recherche et de sept inspecteurs généraux de léducation nationale représentant à la fois les disciplines scientifiques (mathématiques, sciences physiques et chimiques fondamentales et appliquées, sciences de la vie et de la terre, sciences et techniques industrielles) et non scientifiques (langues, lettres, philosophie), la mission a procédé à des investigations approfondies. Elle a dabord exploité les statistiques et les études existantes4. Elle a interrogé les directions du ministère concernées (DGESCO, DGES) et différents experts (HCE, Académie des sciences, Associations disciplinaires). Elle sest ensuite rendue dans huit académies (Aix-Marseille, Créteil, Grenoble, Lille, Lyon, Montpellier, Rouen et La Guadeloupe) où elle a rencontré les recteurs, des représentants du service académique de linformation et de lorientation, les inspecteurs dacadémie-inspecteurs pédagogiques régionaux disciplinaires, des chefs détablissement (collèges et lycées), des représentants des établissements denseignement supérieur5. Elle sest également rendue dans neuf lycées denseignement général et technologique6 elle a rencontré les équipes de direction, des enseignants des où disciplines scientifiques et non scientifiques, des délégués des élèves de seconde, première et terminale, des délégués des parents délèves. Lobjectif de ces visites et de ces entretiens7était, dune part, dappréhender les processus dorientation de la fin du collège à lentrée de lenseignement supérieur et la place quy tient la série scientifique et de connaître lopinion des acteurs sur ce processus et sur le rôle quy joue la classe de seconde, dautre part, de recueillir leurs suggestions sur les évolutions qui leur paraîtraient souhaitables. Elle a également cherché à évaluer limpact des expérimentations qui sont conduites dans certaines académies et certains lycées pour améliorer le processus
4Voir les sources en annexe 1 5Voir le guide des entretiens en annexe 2 6Lycées :à Torcy, La Providence en Guadeloupe, Cité internationale Thiers à Marseille, Aubanel à Avignon, Jean Moulin Europole à Grenoble, Paul Hazard à Armentières, Ampère à Lyon, Clémenceau à Montpellier, Philippe Lamour à Nîmes. 7 Voir la liste des personnes rencontrées en annexe 3
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dorientation des élèves en fin de classe de seconde et pour leur donner le goût des sciences, en particulier en assistant, dans deux établissements, à des séquences denseignement. La mission a, en outre, demandé aux différents groupes de linspection générale dont les disciplines sont enseignées au lycée denseignement général et technologique8, de lui faire part, dans une courte note, des spécificités éventuelles de lenseignement de leur discipline à ce niveau9.
Au terme de ce travail dinvestigation, la mission a présenté le résultat de son constat et de ses réflexions aux groupes ou aux doyens des groupes de linspection générale les plus concernés afin de recueillir leurs réactions.
De lensemble de ces travaux, il ressort que si lanalyse de la situation actuelle est consensuelle, les suggestions dévolution et les expérimentations en cours ne sont pas univoques. La mission a donc fait le choix, une fois dressé le constat, de présenter un ensemble dhypothèses dévolution, en faisant ressortir, pour chacune dentre elles, ses avantages et ses inconvénients potentiels, puis, sur cette base, de proposer de réformer lorganisation actuelle des enseignements de détermination en classe de seconde, ainsi que la structure du cycle terminal.
8 Dans tout le rapport, nous sommes convenus de classer sous les termes « scientifiques » ou « spécifiques à la série S » les disciplines suivantes : mathématiques, sciences physiques et chimiques, sciences de la vie et de la terre, sciences industrielles, et sous les termes « non spécifiques à la série S » ou « non spécifiques », lorsquil ny a pas dambiguïté, toutes les autres disciplines. 9 Cf. Annexe 4
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1. Un positionnement de la série S au sein du lycée général et technologique qui ne répond pas aux intentions initiales ni aux intitulés des cycles et des séries
La réforme pédagogique des lycées, mise en uvre il y a quinze ans, avait pour objectif principal de rééquilibrer les filières et les séries, notamment en mettant fin à la suprématie de la série C. Les enseignements optionnels proposés en seconde avaient pour fonction daider les élèves à choisir leur série de première et les spécialités de terminale à affiner leur orientation vers les différentes voies de formation supérieures. Or lanalyse des processus dorientation, de la fin de la classe de troisième à lentrée dans lenseignement supérieur, montre que ces objectifs ne sont pas atteints.
1.1. Une suprématie qui ne se dément pas
Les données statistiques existant sur la série S, le profil des bacheliers scientifiques et leur devenir dans lenseignement supérieur mettent clairement en évidence que la suprématie de la série S et son statut de « voie royale » pour accéder et réussir dans lenseignement supérieur nont pas évolué depuis le début des années 80, malgré la succession, à intervalle régulier, de rapports critiquant cet état de fait10et la mise en uvre de mesures destinées à le modifier.
1.1.1. Une série élitiste
Alors que la série S est considérée comme la plus attractive de toutes les séries qui conduisent au baccalauréat, et que les autorités académiques ont mis en uvre au cours de la dernière décennie tout un ensemble de mesures pour accroître le flux délèves sorientant vers cette série en y attirant notamment plus de filles, on ne peut que constater que sa part na que très faiblement progressé au sein du second cycle général et technologique. A la rentrée 2006, 32,5 % des élèves de terminale se trouvaient en série S, contre 31,3 % en 1994 au moment où la réforme pédagogique des lycées se mettait en place en terminale et 31,9 % en 1992 avant que ne soient programmée la fusion des sections C, D et E dans le cadre de cette réforme. 10le rapport sur les seconds cycles du groupe national présidé par Antoine Prost qui soulignaitVoir en particulier à ce sujet, déjà en 1983 : « Les études à dominante scientifique, détournées de leur finalité, servent en fait à définir une élite. », les propositions émises par le Conseil national des programmes en 1991, dans son projet « Quel lycée pour demain », ainsi que le rapport de la commission du débat national sur lavenir de lEcole, présidée par Claude Thélot, rendu en 2004, qui souhaitait « la fin de la suprématie de la série S ».
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Contrairement à la terminale littéraire qui a perdu 5,6 points en douze ans, la terminale scientifique en a gagné 1,2 ; elle a cependant moins progressé que la série économique et sociale, qui a gagné, dans le même temps, 2.4 points, et surtout que les spécialités de services de la filière technologique, qui en ont gagné près de trois. Compte tenu de la baisse démographique et de la stagnation du taux daccès au baccalauréat, cette légère progression ne sest pas traduite par une hausse des effectifs. Bien au contraire, la terminale S, qui accueillait 174 409 élèves à la rentrée 1994, nen comptait plus que 156 837 à la rentrée 2006, soit 10 % de moins. Laugmentation du pourcentage de filles en terminale S, qui passe de 40,2 % en 1994 à 46,2 % en 2006, a seulement contribué à maintenir la part de la série S dans lensemble du second cycle général et technologique, puisquelle ne sest accompagnée ni dune hausse globale, ni même dun maintien des effectifs. On peut même se demander si la progression de la part des filles ne sest pas faite au détriment des garçons, en raison de pratiques malthusiennes implicites destinées à maintenir un haut niveau de sélectivité. En effet, loin dêtre mise à son débit, la quasi absence de progression de la série S contribue à renforcer son image de filière délite. Les nombreux entretiens que la mission a conduits tant avec des enseignants que des chefs détablissement et des inspecteurs pédagogiques régionaux, des parents délèves et des élèves confirment le niveau dexigences particulièrement élevé qui est requis par les enseignants pour un passage en première S, y compris dans les disciplines non spécifiques.
1.1.2. dont les élèves se distinguent par leur origine sociale favorisée et leurs résultats scolaires élevés
Les bacheliers scientifiques présentent des caractéristiques sociodémographiques et scolaires qui les distinguent nettement de la moyenne11. Outre quil sagit plus souvent de garçons, malgré laugmentation constante des filles, ils sont plus souvent issus de milieux favorisés (quatre sur dix sont enfants denseignants, de cadres ou de chefs dentreprises contre trois sur dix en L et ES) et plus diplômés que la moyenne (plus des trois quarts des parents ont au moins le baccalauréat contre moins des deux tiers en L et ES).
ème 11Cf.Les représentations des élèves du panel 1995, sept ans après leur entrée en 6 ,in Education & formations n° 72, septembre 2005
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100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% TERMINALE TERMINALE L TERMINALE ES S
TRES FAVORISE FAVORISE ASSEZ DEFAVORISE DEFAVORISE
DEFAVORISEASSEZ DEFAVORISE FAVORISETRES FAVORISETERMINALE ES24,326,117,632,0TERMINALE L25,626,417,630,5TERMINALE S18,522,217,641,8Pourcentages d’élèves dans une même série, regroupés par CSP de quatre types. Le total par ligne vaut 100.Source : base Ministère, année 2006/7.Ils nont souvent subi aucun retard dans leur scolarité (près des trois quarts sont à lheure ou en avance contre moins des deux tiers en L et ES) et se sont distingués dès le primaire par le niveau élevé de leurs compétences en français et en mathématiques (près des trois quarts sont dans le quartile supérieur aux évaluations à lentrée en 6ème).
Leurs résultats au brevet montrent que, dès la fin du collège, les futurs bacheliers S obtiennent de bien meilleures notes en mathématiques (14,4 de moyenne contre 11,2 pour les L et 12,2 pour les ES), des notes légèrement supérieures en langues (13,7 contre 13,3 et 12,8) et équivalentes en français (12,9 contre 12,9 et 12,3).
Même si la comparaison est délicate, les épreuves du baccalauréat différant selon les séries et les échelles de notation variant selon les disciplines, il est intéressant dobserver que12, outre que cest en S que le taux de réussite est le plus élevé, plus de la moitié des bacheliers S obtiennent une mention, contre un tiers seulement des bacheliers L et ES. De plus, ce sont deux fois plus souvent quen L et ES des mentions Bien ou Très Bien. . Mention TB Mention B Mention AB Sans mention Total S 7,1% 17,5% 30,7% 44,7% 100% ES 2,3% 9,3% 25,2% 63,2% 100% L 2,9% 9,2% 23,3% 64,6% 100% Source : Note dinformation n° 07.1512Cf. « Résultats définitifs de la session 2006 du baccalauréat », Note dinformation n° 07.15, mai 2007