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  • fiche de lecture - matière : histoire
  • mémoire - matière potentielle : aujourd'
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  • cours - matière potentielle : européennes
FICHE DE LECTURES HISTOIRE GEOGRAPHIE NIVEAU DE CLASSE CONCERNE : quatrième - seconde THEME OU REFERENCES DE L'OUVRAGE : lecture croisée Serge BIANCHI : Des révoltes aux révolutions Europe, Russie, Amérique (1770 – 1802) Essai d'interprétation, Presses universitaires de Rennes, 2004, 487 pages. Philippe BOURDIN et Jean Luc CHAPPEY : Révoltes et révolutions en Europe et aux Amériques (1773 – 1802), Cned Sedes, 2004, 395 pages Auteur de la fiche : Nadine Bouette CONTENU : Septembre 1773, la révolte de Pougatchev rassemble quelques 15 000 cosaques et paysans insoumis qui ont répondu à l'appel d'un manifeste insurrectionnel au nom de l'ancien tsar
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FICHE DE LECTURES HISTOIRE GEOGRAPHIE NIVEAU DE CLASSE CONCERNE : quatrième - seconde
THEME OU REFERENCES DE L'OUVRAGE :lecture croisée Serge BIANCHI :Des révoltes aux révolutions Europe, Russie, Amérique (1770 – 1802) Essai d’interprétation, Presses universitaires de Rennes, 2004, 487 pages. Philippe BOURDIN et Jean Luc CHAPPEY :Révoltes et révolutions en Europe et aux Amériques (1773 – 1802), Cned Sedes, 2004, 395 pages
CONTENU :
Auteur de la fiche : Nadine Bouette
Septembre 1773, la révolte de Pougatchev rassemble quelques 15 000 cosaques et paysans insoumis qui ont répondu à l’appel d’un manifeste insurrectionnel au nom de l’ancien tsar Pierre III. Cette « guerre servile », dirigée contre les nobles et les châteaux, est écrasée par la tsarine Catherine II en 1774. A l’autre bout du monde, loin de cette Russie en mutations, le boycott du thé à Boston marque le début d’une révolte qui s’étend rapidement aux 13 colonies. Le Congrès de Philadelphie en 1774, marqué par l’influence des Lumières et de la tradition britannique du droit, marque une radicalisation des positions. S’agit-il de révolte, de révolution ? Quels liens existent entre les deux ? Etudier les révoltes et révolutions, c’est étudier les processus par lesquels un mouvement de contestation mobilise une foule pour se transformer (ou non) en révolution, un phénomène politique caractérisé par une volonté de changements politiques, économiques, sociaux et culturels de grande ampleur. Etudier les révoltes et révolutions de 1773 à 1802, en Europe et aux Amériques, c’est étudier les relations de réciprocité et les contradictions dans une approche comparatiste. 1773 à 1802, c’est une génération entre le début des premières révoltes et l’éphémère paix d’Amiens qui met fin à la seconde « guerre de Cent Ans » : une génération pour remettre en cause l’ordre établi de l’Ancien Régime, adapter les réformes, modifier les façons de vivre, les opinions, voir émerger révolutions et contre-révolutions.
Depuis le XIX siècle, les historiens s’interrogent sur les « origines » des révolutions et dans chaque pays des écoles s’opposent. Aux Etats-Unis, « progressistes » contre « révisionnistes », en France « classiques » ou « marxistes » contre « libéraux ». Jacques GODECHOT et Robert PALMER, en 1955, au moment de la guerre froide, ont introduit l’idée d’une « révolution atlantique » : la révolution américaine aurait servi de modèle originel aux mouvements révolutionnaires européens. Cette conception unitaire d’une « révolution occidentale », traversée par des logiques communes, laboratoire d’une démocratie à la fin du XVIII siècle et au XIX siècle, s’est trouvée fortement critiquée. Les mouvements de révoltes et révolutions sont d’ampleur et d’orientation politique différentes, les spécificités nationales demeurent (G. LEMARCHAND et M REINHARD) les innovations politiques et sociales de la révolution française sont mises en avant (Albert SOBOUL). Malgré une désaffectation dans les années 1980-1990, la « révolution atlantique » continue aujourd’hui d’alimenter une réflexion comparatiste des révolutions (Jean NICOLAS en 2002la rébellion française – mouvements populaires et conscience sociale 1661-1789, Annie JOURDAN en 2004,la Révolution française, une exception?) tout en soulignant les spécificités, les adaptations, les appropriations. Ces deux ouvrages contribuent alors à la connaissance de ces nouvelles problématiques scientifiques qui montrent une histoire des révolutions passionnée et passionnante. Pour des raisons pratiques, le plan de l’ouvrage de Serge BIANCHI est repris ici et enrichi par une lecture croisée avec l’ouvrage de Philippe BOURDIN et Jean Luc CHAPPEY.
Nadine Bouette, professeur au lycée Blaise Pascal à Ambert
Première partie : Révoltes et révolutions dans les nouveaux mondes Les « nouveaux mondes » sont des espaces relativement cloisonnés, mais qui entretiennent une relation spécifique à la métropole. Il y a deux espaces qui connaissent des révolutions : les 13 colonies anglaises dès 1773 et Saint Domingue de 1791 à 1802. La révolution américaine est la première indépendance d’une colonie blanche, à l’égard d’une métropole européenne et la première république dans un grand pays marqué par un processus révolutionnaire original. La révolution américaine est elle fille des Lumières, fille de la Glorieuse Révolution, mère de la Révolution française ? Il y a deux modèles explicatifs, deux historiographies américaine et française. L’émancipation des Etats-Unis n’est pas une guerre de décolonisation. D’une part, les populations soulevées ne sont pas « indigènes », ce sont des ressortissants de cette même puissance (environ 80% d’Anglo-saxons) qui ont la même langue, les mêmes valeurs, les mêmes traditions que la métropole. D’autre part, les revendications desInsurgents dépassent le cadre d’une décolonisation : les litiges coloniaux montrent un lien étroit entre revendication d’ordre économique et politique « Pas de nouvelle taxe sans représentation ». C’est une protestation qui s’inscrit d’abord dans un cadre traditionnel anglais, dans la ligne de la Glorieuse Révolution et des écrits de John Locke du XVII siècle. Les révoltés légitiment leur protestation en s’appuyant sur la tradition britannique du droit. Jusqu’en 1774, les contemporains considèrent qu’il s’agit d’une « révolte » et restent attachés à la Grande Bretagne. Mais face à la métropole qui veut assurer la coûteuse défense d’un empire agrandi depuis la guerre de Sept Ans (1756 – 1763), les positions se radicalisent. Un glissement s’opère dans les colonies qui se traduit par une volonté d’autonomie et une prise de conscience progressive d’intérêts communs autour des questions de la frontière de l’Ouest, de l’opposition aux Français au Québec… La Déclaration d’indépendance, le 4 juillet 1774, explique alors au monde les raisons de l’indépendance. Elle est composée de quatre aspects majeurs : les droits universels, le droit au bonheur qui reste une notion bien floue, la fin du principe monarchique qui en fait une déclaration révolutionnaire et participe à la naissance d’une culture politique commune, l’adoption de cette déclaration qui unit les Etats dans la guerre (sauf Connecticut et Rhode Island). La guerre d’indépendance est elle alors une simple « guerre civile » anglo-britannique (BERKOVITCH en 1988) ? Il n’y a pas un peuple unanime dressé contre la puissance coloniale : on estime qu’il y a 1/3 de loyalistes, 1/3 de patriotes, 1/3 d’indécis qui penche d’un côté ou de l’autre en fonction du contexte. Les clivages entre loyalistes et patriotes se font selon leurs intérêts et non selon des groupes sociaux définis (d’où des affrontements proches de la guerre civile parfois en Caroline du Nord ou Georgie). C’est une guerre « révolutionnaire » où l’armée devient le vecteur d’une idée nationale. C’est une guerre européenne marquée par l’intervention effective de la France à partir de 1780 et qui cherche à affaiblir la domination maritime de la Grande Bretagne. De cette alliance avec la France est né un contentieux durable qui n’a pas fait de la France « la nation la plus favorisée » d’un point de vue commercial après la guerre et qui a laissé les dettes des Américains en suspens. Après la guerre d’indépendance de 1774 à 1783, on peut distinguer trois étapes de la construction d’une nation américaine : l’anarchie où les sujets qui divisent les Etats sont multiples et complexes dans un climat de tensions sociales, une campagne acharnée qui oppose « nationalistes » ou « fédéralistes » aux « républicains » ou « antifédéralistes » pour déterminer la constitution, la Convention de Philadelphie en 1787 qui vote une constitution et révèle une conscience nationale. L’historiographie américaine voit s’opposer plusieurs écoles. D’une part, les « progressistes » à partir des années 1930 montrent l’intrusion des intérêts privés et des dogmes libéraux dans la constitution de 1787. Le processus de naissance des Etats-Unis aurait exclu de larges couches de la population, étouffé les soulèvements populaires après la ratification, et l’Etat serait incapable d’aider les plus démunis socialement et politiquement, enfin ils dénonçaient une vision consensuelle et mythique de la révolution américaine. Les « révisionnistes » dans les années 1950 et 1960 ont dépassé la crise de 1929 et se situent dans une période d’apogée des Etats-Unis qui marque leur interprétation. Ils insistent sur des tendances authentiquement démocratiques et l’adhésion des classes moyennes à la défense de deux principes complémentaires : la liberté et la propriété. Dans les années 1970, une nouvelle génération d’historiens (Gordon WOODS,la création de la République américaine 1776-1787, 1969) remet en cause les valeurs et mythes américains, les origines de la révolution et montre les limites de la démocratie. En France, les historiens montrent alors que la révolution américaine est une révolution conservatrice, fidèle à la tradition britannique ; une révolution consensuelle en comparaison aux divisions violentes et profondes en France ; une révolution républicaine qui cherche à dépasser les particularismes (Elise MARIENSTRAS,les mythes fondateurs de la nation américaine:essai sur le discours idéologique aux Etats-Unis à l’époque de l’indépendance, 1992). Les approches consensuelles ne doivent cependant pas masquer les oubliés de la révolution (femmes, esclaves,
Nadine Bouette, professeur au lycée Blaise Pascal à Ambert
indiens, loyalistes…). Bernard COTTRET s’est intéressé au processus culturel et politique qui singularise l’expérience américaine de la création d’un Etat républicain et démocratique tout en démythifiant le modèle (La Révolution américaine, la quête du bonheur 1736-1787, 2003). La portée de la révolution est sujet à interprétations : certains historiens pensent que le modèle américain n’est pas « exportable » ni en Europe, ni sur le continent américain ; tandis que d’autres insistent sur la cohérence et convergence des autres révolutions du continent américain et des Antilles.
Les Amériques ibériques sont marquées par la coexistence de population blanche, créole, indienne, noire aux statuts différents. Les révoltes au XVIII siècle sont les révoltes des Indiens dont celle de Tupac Amaru II en 1780, les révoltes des créoles opposés au despotisme éclairé de Charles III d’Espagne ou du ministre portugais Pombal. La révolte menée par Tupac Amaru II, nom révélateur d’une mémoire collective indienne, est une révolte antifiscale, puis sociale et rencontre l’appui d’autres couches de la population (métis, créoles, esclaves). Son armée compte environ 20 000 hommes lors du siège de Cuzco au Pérou en 1781 avant de subir une vive répression militaire que raconte Alexandre Humboldt. Le parallèle avec la révolution américaine contemporaine pourrait être tentant, pourtant cette révolte est avant tout antifiscale, sociale et raciale. Elle a sans doute servi de frein aux remises en cause du système colonial par les créoles qui ont vu dans l’armée espagnole une garantie contre les populations indigènes (Bernard LAVALLE,L’Amérique espagnole de Colomb à Bolivar, 1992). Les cultures politiques créoles et indiennes prennent des orientations divergentes. Les révoltes créoles, les «comuneros», sont urbaines. Elles s’appuient sur une revendication politique et économique autour de la prélation, et d’une contestation récurrente antifiscale. En 1780, une armée est constituée à Bogota et obtient temporairement gain de cause avant que la répression n’étouffe les contestataires. Au Brésil portugais, la conjuration de Tiradentes en 1789 à Bahia s’inspire de la révolution américaine et des Lumières, tandis que la conspiration delos machetes en 1798 s’inspire des sans culottes parisiens. Mais la contestation dans les universités et bourgeoisies créoles ne va pas jusqu’à la révolution en raison de la permanence de structures féodales et seigneuriales qui assurent un poids décisif aux couches dirigeantes. L’indépendance des colonies espagnoles et portugaises s’effectue entre 1810 et 1824. Pourquoi un tel décalage avec les autres révolutions européenne et américaine ? D’une part, la pensée politique anglo-saxonne et française pénètre peu les élites, l’attachement au catholicisme tend à réduire la remise en cause de l’Ancien Régime (« les Lumières catholiques »), la peur d’une révolte populaire dans un continent d’esclaves et de minorités explique la loyauté des créoles envers la Couronne d’Espagne ou du Portugal. Enfin, ces mouvements de contestations n’ont pas de programme vers l’indépendance ou même l’autonomie politique. Cependant ils ont participé à une prise de conscience en rassemblant des groupes sociaux aux intérêts divergents.
Les révoltes, révolutions et indépendances dans les colonies d’esclaves ont connu un renouveau historiographique depuis les années 1980 autour de thèmes transversaux (la traite, l’esclavage, les études comparatives). L’ère des révolutions correspond alors à un accélérateur des processus antérieurs de contestations et révoltes. Ce renouveau s’inscrit aussi dans un devoir de mémoire aujourd’hui mis en avant pour dégager des responsabilités sur ce qui est parfois qualifié de « crime contre l’humanité » sans faire état d’un devoir de distance à l’égard d’une vision trop contemporaine. La période 1773 à 1802 est importante pour plusieurs points. D’une part, c’est l’apogée de la traite et de l’économie de plantations dans les « îles à sucre », et défendue pour des raisons morales et économiques (club Massiac) ; et paradoxalement de la remise en cause de la traite en France comme en Grande Bretagne par la réflexion philosophique (abbé Raynal, Diderot…) et dans des clubs (la société des Amis des Noirs). Saint Domingue est la principale « île à sucre », enjeu de la rivalité franco-britannique, marquée par des conflits sociaux et raciaux d’un peuplement dual (90% de la population sont des esclaves noirs, puis mulâtres et blancs). C’est un processus révolutionnaire autonome du fait de l’éloignement relatif de la métropole et parfois des relations interrompues. On peut distinguer trois étapes. De 1789 à 1791, les positions s’affirment avec la révolution qui joue un rôle de catalyseur et révélateur : l’opposition entre Pompons rouges et Pompons blancs et la révolte des mulâtres marquent un début conflictuel de la révolution. De 1791 à 1794, la guerre civile ou « révolution noire » marque un tournant avec l’insurrection d’esclaves noirs, une série de mesures graduelles et décisives de la Convention qui aboutit à l’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies françaises en 1794 dans un contexte de guerre avec la Grande Bretagne et l’Espagne. De 1794 à 1802, c’est la conquête de l’indépendance derrière le « Spartacus noir » Toussaint Louverture. P. PLUCHON dans une biographie deToussaint Louverturemontre qu’il n’est pas un (1989) révolutionnaire, pas un fils des Lumières. C’est un catholique qui ne remet pas en cause l’ordre du monde, il cherche à reconstituer la structure coloniale mais à la faveur des noirs. C’est un homme d’Ancien Régime, « un révolutionnaire d’Ancien Régime ». Capturé par le général Leclerc, lors du
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débarquement ordonné par Bonaparte en 1802, il meurt en 1803 en France sans pouvoir assister à l’indépendance de Haïti en 1804 : première république noire de l’histoire. Les autres colonies européennes ont des évolutions contrastées et éloignées du modèle de Saint Domingue. Guadeloupe et Martinique ont une évolution différente marquée par un peuplement moins dual et la recherche de compromis. Dans les colonies anglaises, la traite et l’esclavage sont maintenus, parfois par la répression, comme en Jamaïque lors de la « guerre des marrons » en 1795-1796. Deuxième partie : Révoltes, révolutions et prérévolutions en Europe Il s’agit de comprendre le rôle des grandes puissances face aux révoltes et révolutions. En 1773, l’Europe est confrontée à deux problèmes majeurs : la guerre contre l’empire ottoman pour la maîtrise des Balkans et l’accès à la mer Noire et Méditerranée pour la Russie, et le partage de la Pologne. C’est la mise en place de nouvelles frontières et l’affirmation de puissances qui restent rivales. Le poids des relations internationales dans l’évolution des révoltes peut s’illustrer par plusieurs cas : la révolte des 13 colonies anglaises est soutenue par la France dans une rivalité centenaire avec la Grande Bretagne, la révolte des républicains contre les orangistes aux Provinces Unies soutenue par la France afin d’obtenir une alliance contre la Grande Bretagne tandis que Frédéric II de Prusse soutient le stathouder en 1786, la révolution de Genève n’est pas soutenue par la France en 1786, la Pologne connaît plusieurs partages successifs tandis qu’une révolution est menée par le roi Stanislas Poniatowski… Voilà qui amène à nuancer la présentation des despotes éclairés. F. BLUCHE rappelle quele despotisme éclairéest un ensemble de réformes des dirigeants qui provoquent des (1966) réactions différenciées selon les espaces et les couches sociales concernées qui vont de l’acceptation à la révolte. Le despote éclairé est un paradoxe entre l’absence de séparation des pouvoirs et les idées des Lumières, une conciliation entre pouvoir autoritaire et principes défendus par les philosophes. A partir des années 1780, le despotisme éclairé devient contre-révolutionnaire. En Russie, Catherine II devient une contre-révolutionnaire dès les années 1773-1774 avec la répression de la révolte de Pougatchev. C’est dans un contexte du renforcement du pouvoir seigneurial et de détérioration des conditions de vie des paysans (serfs soumis aux corvées, confiscation des communaux par lesmirs, réformes physiocratiques) qu’éclate la révolte de Pougatchev aux marges de l’empire. Les soulèvements sont fréquents depuis les années 1760, ce sont des jacqueries anti-nobiliaires, mais celle-ci prend une ampleur nouvelle qui tient un moment la tsarine en échec et conteste sa légitimité. Cette guerre civile cesse avec l’arrestation de Pougatchev. Le despotisme éclairé prend fin en Russie face à la peur sociale. Les révoltes s’inscrivent dans la longue durée et dans des cycles plus ou moins réguliers, dans des revendications précises et dans des espaces réduits (contrairement aux révolutions). Elles sont dues à la fiscalité, les crises de subsistance, les conflits de travail… La guerre des Farines en 1774 s’étend sur des espaces urbains et ruraux. Les réformes du surintendant Turgot sur la liberté de circulation des grains s’inspirent de la physiocratie et du modèle britannique des enclosures. Les réactions décalées selon les espaces viennent des journaliers, des consommateurs urbains et ruraux : ces « foules » se dirigent vers les lieux de pouvoir (Paris, Versailles). Cette révolte est révélatrice de la politisation de la société et des différences de structures agraires de la Grande Bretagne (« révolution agricole ») et de la France. Quels sont alors les caractères communs et le contexte des révolutions européennes ? Plusieurs cas de révoltes et révolutions sont étudiés. L’émeute desGordon Riotsen 1780 qui est interprétée tantôt comme une contestation sociale (G. RUDE) tantôt comme une contestation religieuse marquée par la destruction des lieux de cultes catholiques (N. ROGERS). En Irlande, pendant la révolution américaine, un parti « patriote » se forme et réclame une meilleure représentation politique au Parlement de Dublin et la formation d’une milice (Irish Volunteers en 1778). L’autonomie législative et judiciaire est accordée. Il ne s’agit pas d’une révolution, car les structures de gouvernement demeurent tout comme le loyalisme envers la Couronne. En 1781, la révolte de la bourgeoisie de Genève et d’une partie du peuple renverse le pouvoir pour mettre fin aux corvées, au système des fiefs et pour répartir le pouvoir dans une République prospère. Devant l’intervention militaire du roi de Sardaigne, le processus démocratique voulu par la bourgeoisie échoue. La France, immobile, accueille les « patriotes genevois » en fuite. Aux Provinces Unies, en 1784, éclatent des insurrections urbaines dirigées par les « patriotes » hostiles aux deux autres forces politiques traditionnelles (le parti orangiste et le parti des Régents) : le pouvoir est renversé en 1786 dans un climat de guerre civile. La répression menée par les puissances étrangères (Prusse et Angleterre) écrase les patriotes. C’est le triomphe de la réaction. La réaction n’est cependant pas l’affaire uniquement des dirigeants européens comme le montre l’exemple de la « contre révolution » brabançonne. La multiplication des oppositions se structurent aux Pays Bas autour des représentants
Nadine Bouette, professeur au lycée Blaise Pascal à Ambert
de l’Ancien Régime, les corps intermédiaires, les oligarchies nobiliaires et urbaines, les communautés qui revendiquent les « libertés médiévales » pour légitimer leur opposition au joséphisme. Il s’agit d’une contestation contre révolutionnaire face au despotisme éclairé. Comment la crise de l’Ancien Régime aboutit au passage des rebellions à la révolution de 1787 à 1789 ?
Les échecs successifs des réformes indispensables tentées par les ministres, en 1786-1787, sont liés à l’opinion publique qui soutient les Parlementaires. Il s’agit de « révolte » par la résistance des Parlementaires face aux réformes fiscales et administratives, d’une « révolution » par la volonté de partager le pouvoir avec le monarque, d’une « réaction » par le refus des réformes et la lutte contre les Lumières. Les travaux des historiens Charles TILLY (la France conteste, 1986) et de Jean NICOLAS (la rébellion française, mouvements populaires et conscience sociale 1661-1789, 2002) ont montré la multiplication des rébellions au XVIII siècle et dressé une typologie. Le peuple n’est pas un spectateur passif mais un acteur du jeu politique dès les années 1780 et peut avoir un rôle déterminant sur les élites. Une opinion publique existe et se révèle dans les cahiers de doléances. François FURET montrait que « l’esprit réformateur » des élites éclairées aurait rendu possible une « transition », et sans l’intervention du peuple, aurait pu éviter la Révolution. L’intervention du peuple aurait, en quelque sorte, fait « déraper » une évolution réformatrice en France dont le régime aurait pu se transformer en monarchie constitutionnelle sur le modèle anglais. Mais une étude européenne des élites montre que celles-ci à partir des années 1770-1780 sont les « moteurs » des révolutions mais elles passent d’une volonté réformatrice à une volonté conservatrice. Les positions des élites sont sinueuses et hétérogènes durant la période révolutionnaire de 1789 à 1799 en France. Une périodisation des années révolutionnaires permet de rappeler le débat historiographique sur la Terreur. La « théorie des circonstances » avancée par les révolutionnaires a fait l’objet de critiques : en effet les mesures terroristes sont maintenues alors que les dangers s’estompent. Les mesures terroristes, notamment la violence étatique, sont aujourd’hui interprétées comme issues d’une idéologie révolutionnaire ou jacobine (F. FURET). Cette idéologie, confrontée à l’exercice du pouvoir, aurait entraîné une radicalisation du discours politique. P. GUENIFFEY, dans son livreLa politique de la Terreur, essai sur la violence révolutionnaire 1789-17942000), affirme que la violence est (en consubstantielle à toute révolution. P. HIGONNET réduit les causes de la Terreur à l’idéologie jacobine, une idéologie partagée entre particulier et universel, et méfiante à l’égard de toute dissension. Les analyses de la Terreur sont souvent proches de la réflexion philosophique et ne tiennent pas compte de la diversité de l’espace géographique.
Troisième partie : La Révolution française Cette partie sur la Révolution française est abordée sous forme de questions : une révolution politique ? Une révolution sociale ? Une révolution des institutions ? Une révolution culturelle ? Et le Directoire qui met fin à dix années de révolution. Une révolution politique ? La naissance et le développement de la vie parlementaire se fait avec l’Assemblée Constituante (1789-1791), héritière des Etats Généraux, qui fonde un nouveau régime politique. Les députés d’origine sociale diverse ont une même culture et travaillent à une « révolution » administrative, électorale, judiciaire, fiscale et militaire. La constitution de 1791, après la fuite du roi, se lit comme un compromis respectant les principes universels et les équilibres politiques du moment, elle insiste sur la séparation équilibrée des pouvoirs. Les constitutions, par la suite, en référence au Serment du Jeu de Paume, s’inscrivent dans un moment particulier et répondent à des enjeux révélateurs de l’évolution de la Révolution. La constitution de l’an I est tantôt présentée comme un « texte jamais appliqué et démagogique » car différé jusqu’au retour de la paix, tantôt comme un acquis « des droits sociaux ». C’est aussi sous la Constituante que se construit le clivage Droite/Gauche et se mettent en place les principales forces politiques et les premières divisions sur le choix des institutions. Ce climat résulte d’une politisation intense qui se traduit dans les élections. Le suffrage est une pratique sociale et politique spécifique, un mécanisme de régularisation ou de polarisation des conflits. La généralisation du principe électif permet elle de parler pour autant de la naissance d’une démocratie ? Les différentes assemblées qui se succèdent définissent les lois électorales qui répondent à un principe : la souveraineté du peuple. La population française se divise alors entre passifs (non citoyens) et actifs. C’est un suffrage large à la base et restreint au niveau supérieur par des conditions d’éligibilité élitiste. Les élections sont interprétées de différentes manières. D’un côté, Alain GARRIGOU (Le vote et la vertu. Comment les Français sont ils devenus citoyens, 1992) pense que les élections sont très imparfaites et engendrent une désaffectation après la fuite du roi. D’un autre côté, René REMOND (La vie politique en France) pense qu’il y a une rupture
Nadine Bouette, professeur au lycée Blaise Pascal à Ambert
électorale comparable à celle des Etats-Unis, avec une transparence plus nette qu’en Angleterre, avec une rotation des élus et qu’elle contribue à la naissance d’une démocratie même imparfaite. La presse, ce quatrième pouvoir, joue un rôle essentiel d’information, d’acculturation et de politisation des sociétés par les prises de position des journalistes et malgré la censure. Les citoyens français se reconnaissent dans des héritages spécifiques (l’idéal civique antique, les idées des Lumières) et dans des pratiques citoyennes (cocarde, vote, lecture de la presse…). Les modèles français et américain se rejoignent sur les limites de la « démocratie représentative » (exclusion des femmes, indigents…). Une révolution sociale ? La Révolution est une décennie « libérale » d’une politique économique qui met en avant la liberté et la propriété, une décennie de vastes mouvements populaires qui met en avant le droit à l’existence et une protection sociale garantie par l’Etat. E. P. THOMPSON, dansLa guerre du blé au XVIII siècle(1988), montre que les couches populaires sont attachées à un système qui permet la survie du plus grand nombre dans les communautés rurales (refus du cumul des terres, défense des droits communaux, lutte contre les abus du libéralisme…) : il s’agit d’une « économie morale ». Il y a alors alternance entre périodes libérales et dirigistes. Jusqu’en 1792, les cultures politiques libérales des élites divergent des cultures populaires égalitaires. La Convention montagnarde est une période marquée par le libéralisme des dirigeants et les débuts d’une économie dirigée pour faire face à la guerre. Le bilan de cette économie dirigée est contrasté selon les catégories sociales, elle est appliquée différemment selon les espaces géographiques par les représentants en mission. Le Directoire abandonne peu à peu l’économie dirigée. Les masses paysannes ont des comportements politiques qui évoluent au fil de la décennie. De 1788 à 1793, c’est une succession de « jacqueries » qualifiée de « révolution paysanne » de la Grande Peur de l’été 1789 à la fin de la féodalité en 1793. La réponse des élites bourgeoises est double : réformes et répression. Plusieurs campagnes se dégagent entre révolution et contre révolution : la chouannerie dispersée dans des îlots urbains et ruraux qui dépassent le cadre de la Vendée, les campagnes « résistantes » dans le Sud Est caractérisées par un refus passif, enfin les campagnes républicaines gagnées à la révolution. Le bilan des paysanneries en révolution reste mitigé et marqué surtout par la diversité des expériences et des engagements. Une révolution des institutions ? La « révolution administrative » de la Constituante apporte un changement des pratiques et relations aux pouvoirs locaux et au pouvoir central. C’est la naissance de nouvelles hiérarchies et de nouveaux pôles (communes, cantons, départements...). Il y a une déconcentration jusqu’en 1793, puis un retour à la centralisation qui se poursuit sous le Directoire et le Consulat. Mais les communes ont acquis une réelle autonomie et des pratiques nouvelles, dégagées de la tutelle seigneuriale et ecclésiastique, et écoutées par les représentants en mission. La question judiciaire est envisagée de deux manières : d’une part, c’est une « révolution judiciaire » marquée par les débuts d’une justice indépendante, les droits de l’homme et la rationalisation des lois et des pratiques judiciaires. D’autre part, c’est une période d’injustice avec la Terreur et une justice punitive et expéditive. L’institution judiciaire évolue en parallèle avec les changements politiques : c’est le passage des juges élus de la Constituante aux juges nommés par le Comité de Salut Public. La révolution a tenté aussi de modifier et régénérer la famille sans pour autant parvenir à une « révolution de la famille ». Les lois de laïcisation ne sont ni inattendues, ni spontanées mais s’inscrivent dans un mouvement général européen : c’est la création de l’état civil en 1792, la première étape de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, c’est la légalisation du divorce, l’égalité entre enfants légitimes… Cependant le code civil (1801-1804) s’il conserve une partie des acquis révolutionnaires (état civil, divorce limité), il restaure et parfois accentue les principes d’autorité et d’inégalités au sein des familles. Enfin, la « révolution militaire » reste inachevée et la place de la nation en armes évolue entre utopie, mythe, propagande et réalité. La Garde nationale, créée en 1791, devient un enjeu de pouvoir dans les villes et campagnes. Elle est constituée d’hommes qui effectuent un service civique obligatoire et elle est un espace de politisation. C’est un pouvoir militaire, non sans ambiguïté avec l’armée et la Gendarmerie, qui assure l’encadrement de la population pendant dix ans. Il y a militarisation de la société et acculturation républicaine des soldats. Les observateurs contemporains sont marqués par la cohésion civique des armées françaises à l’origine du mythe des soldats de l’An II. Une révolution culturelle ? Il s’agit de réfléchir à la mise en place d’une culture politique républicaine, c'est-à-dire s’interroger sur les spécificités de la Révolution française, ouvrir la comparaison et décloisonner les différents domaines. L’esprit républicain est né après l’installation de la première République : l’acculturation se fonde alors sur la négation d’un régime et d’une culture politique considérés comme néfastes. C’est une invitation à l’amnésie collective, une négation de la monarchie et une légitimation du régicide. C’est la construction d’un esprit républicain par différents moyens de propagande (écrite avec les affiches, journaux… orale : chants, hymnes… les
Nadine Bouette, professeur au lycée Blaise Pascal à Ambert
manifestations : fêtes, théâtre…) autour d’une devise et d’une symbolique identitaire. Il y a un transfert de la sacralité du religieux au politique. La réception de ces efforts de diffusion de l’esprit républicain est variable et difficile à évaluer. Il ne faut pas oublier les formes de résistances politiques et religieuses. Les relations entre Révolution et religion sont une question centrale et spécifique : en effet, elles marquent de profondes différences avec les révolutions anglaise et américaine. Trois périodes sont identifiées dans un processus de déchristianisation : d’une part, le compromis jusqu’en juillet 1790, les ruptures et la constitution civile du Clergé qui amorcent une déchristianisation, enfin la convalescence thermidorienne et dictatoriale jusqu’au concordat en 1801. Les relations entre pouvoir politique et religion sont modifiées par la Révolution : c’est la naissance du mythe d’une République anticléricale et laïque, la tentative de laïcisation, de séparer culte privé (catholique) et publique (culte républicain), les débuts d’une déchristianisation et d’une séparation de l’Eglise et de l’Etat. La culture politique républicaine emprunte beaucoup aux arts et sollicite les artistes pour représenter des tableaux historiques répandus et imités, des principes sous forme d’allégories dans la continuité duSerment du Jeu de Paumede DAVID, des portraits de martyrs (Maratde DAVID), des pièces « de circonstance » au théâtre. La démocratisation des arts passe par l’ouverture d’expositions et conservatoires (Le Louvre devient un musée).
Le Directoire marque la fin de la décennie révolutionnaire. C’est un régime politiquement impopulaire : il est discrédité par un suffrage censitaire très restreint qui en fait un régime de notables libéraux méfiants à l’égard des royalistes et jacobins, il est ingouvernable par une séparation des pouvoirs extrême et le bicamérisme dans un contexte intérieur de lassitude de la population, et l’affirmation des victoires militaires des généraux en Europe. Après le coup d’Etat de Bonaparte, il y a une volonté de stabilisation intérieure. Mais Bonaparte et la République se partagent désormais les effigies : le Consulat n’est qu’un sursis pour la République.
Quatrième partie : Révoltes et révolutions dans un monde en guerre Quelle est la légitimité des guerres de la Révolution ? Il y a une évolution de la guerre pendant la Révolution : d’une guerre défensive et nationale, elle devient guerre de « libération » des peuples, puis c’est une guerre pour garantir les frontières « naturelles », enfin la guerre menée par la Grande Nation s’appuie sur les conquêtes et les Républiques sœurs. Dans un même temps, les transformations entre l’armée et le politique s’opèrent à toutes les échelles, du soldat à l’état major. La fuite du roi en 1791 est le facteur décisif dans l’hostilité des cours européennes à la Révolution et accélère la convergence des différents adversaires de la France pour rétablir l’Ancien Régime. La coalition européenne qui se met en place oblige alors la France à modifier son recrutement, sa stratégie, son idéologie militaire contribuant ainsi à mettre en place de nouvelles formes de révoltes et révolutions. Cette « guerre de masse » inaugurée à Valmy est marquée par le passage d’une armée royale à une armée nationale et révolutionnaire, profondément liée à la société civile malgré les efforts entrepris sous le Directoire pour amorcer la séparation. L’idéologie se modifie au sein de l’armée vers une idéologie de conquêtes appuyée sur les initiatives des généraux depuis les campagnes d’Italie en 1796. Cette autonomie militaire s’affirme avec l’intervention politique et administrative des généraux dans les territoires occupés. Jusqu’en 1795, il y a un sentiment globalement pro français qui se traduit soit par un soutien affiché à la cause révolutionnaire, soit par la volonté d’être rattaché ou administré comme la France, soit par l’adaptation des idéaux révolutionnaires à une identité nationale. Mais la radicalisation de l’occupation et des idéaux révolutionnaires entraînent des réactions identitaires en Europe (notamment en Italie) et marque les limites d’une acculturation républicaine française.
Bilans et synthèses 1802, la fin des révolutions ? L’Europe à l’heure de l’éphémère paix d’Amiens, est transformée sur le plan géopolitique au profit des puissances du Nord Est et de la France. Les guerres européennes ont transformé les conditions de la diplomatie (Clausewitz) qui doit prendre en compte l’idée naissante de nation sur le modèle ou en opposition au modèle français. C’est la fin d’une « grande république européenne » souhaitée par Voltaire face à la radicalisation des opinions publiques, les représentations des différents pays caricaturés dans une guerre idéologique qui divise une Europe révolutionnaire et une Europe réactionnaire. Qui sont ces révolutionnaires et contre-révolutionnaires ?
Nadine Bouette, professeur au lycée Blaise Pascal à Ambert
Les révolutionnaires sont désignés par le terme de «patriotes » ou de « jacobins ». Les « patriotes » renvoient à des groupes de défense des intérêts des colons. Puis le sens évolue par rapport à l’espace : en effet le terme de « patriote » désigne en France une formation politique du Tiers Etat avant les Etats Généraux. Le terme de « jacobin » renvoie à l’installation des membres du Club breton de Versailles dans l’ancien couvent des Jacobins à Paris. Ce sens évolue au gré de la révolution : en 1789 le jacobin est attaché à une monarchie parlementaire et à la souveraineté nationale, le jacobin de 1791 est méfiant à l’égard du roi, le jacobin de 1792 est un girondin favorable à la guerre, le jacobin de 1793 est un montagnard qui propose un gouvernement révolutionnaire et une économie dirigée. Aujourd’hui « jacobin » a un sens péjoratif et fait référence à la centralisation et la Terreur. Les points communs à l’ensemble des révolutionnaires sont la fin de la société d’ordres, la souveraineté populaire, les droits naturels et la tolérance. Les points qui divisent les révolutionnaires sont les choix économiques (économie libérale ou dirigée), la démocratie représentative ou participative, la politique religieuse, l’accès à la terre. L’opposition entre libéraux et égalitaires est plus ou moins accentuée dans les pays européens en fonction des traditions et des rapports de force. Durant les phases les plus radicales de la Révolution française, les constitutions ont circulé et influencé les pays européens mais également provoqué des réactions et suscité un courant contre-révolutionnaire. La contre-révolution est un terme géopolitique variable qui s’applique à l’ensemble des actions et des opinions de ceux qui rejettent les mutations de tout ordre (politique, social, religieux) imposées par les assemblées révolutionnaires. Il y a une stratification de la contre révolution en fonction des ruptures. Elle évolue et se développe au rythme de la Révolution et reste majoritaire en Europe (Burke, Kant, Fichte). La radicalisation de la révolution française provoque une méfiance, puis une peur et l’abandon du « despotisme éclairé » dans les cours européennes pour prévenir les contestations et assurer un retour à l’ordre. En Angleterre, il y a un consensus des classes dirigeantes pour s’opposer à la révolution française et conserver une tradition britannique du compromis influencé par la Glorieuse Révolution. Les empires orientaux se rejoignent dans l’idée d’une croisade contre révolutionnaire. L’Espagne et le Portugal, hermétiques aux idées des Lumières, condamnent la politique religieuse de la France. La noblesse en révolution montre un ordre, éclaté dans sa structure et ses positions, qui réagit face au processus d’éradication de ses privilèges jusqu’à basculer majoritairement dans la contre révolution. La « déchéance » des nobles peut être perçue en plusieurs étapes. Sous l’Ancien Régime, il existe une noblesse « libérale » contestataire et une noblesse de sang et de robe accrochée à ses prérogatives. Le mois d’août 1789 marque la perte des privilèges et des exemptions fiscales dans un contexte de Grande Peur. Une partie de la noblesse accepte. Il est donc possible d’être noble et révolutionnaire. Mais la radicalisation de la révolution française poursuit la décomposition de la noblesse surtout après la mort du roi. Les résistances à la révolution ont alors deux visages : l’émigration dès l’été 1789 et la résistance intérieure (espionnage, armée catholique et royale…). La pensée contre révolutionnaire regroupe alors un ensemble d’écrits français et étrangers (E. Burke, Joseph de Maistre, Louis de Bonald…) qui condamne la révolution française dans son œuvre et ses principes, réhabilite le contrat religieux comme mode d’encadrement social, sacralise la monarchie en insistant sur l’idée de contrat entre le roi et ses sujets. Cette pensée trouve un écho politique avec la formation monarchiste dès 1789, supprimée en 1792, et qui revient sous le Directoire. En conclusion, un essai comparatif permet de mettre en évidence le poids des structures politiques. La place de la religion, l’existence d’élections (aux Provinces Unies, dans les pays anglo-saxons), les garanties offertes par la justice (faiseurs de paix aux Provinces Unies, Habeas Corpus en Angleterre) s’opposent à la religion d’Etat, la tradition centralisatrice, la vénalité des offices et l’arbitraire royal français. Les acteurs de la révolution politique sont l’opinion publique, la constitution de sociétés, la formation d’une garde armée. Mais la participation des citoyens à la vie politique est très inégale d’une révolution à l’autre : la France se distingue par une forte participation paysanne aux événements dès 1789 et aux élections, la volonté d’une régénération et les points de litiges spécifiques autour de la politique religieuse, l’économie dirigée et la laïcisation. D’autres sujets de comparaisons amènent à développer points communs et spécificités des révolutions : la question ouvrière, les femmes en révolution, les révolutions et l’esclavage, les révolutions et les mouvements paysans, les villes en révolution, et l’influence des modèles révolutionnaires. Deux mondes et deux conceptions du monde s’affrontent dans une décennie de guerre : révolution et contre révolution. Autres ouvrages : Une bibliographie exhaustive :Historiens et géographes, juillet 2004, n° 387Un recueil de textes commentés : Pierre BENOIST :Révoltes et révolutions, documents, Atlande, 2005.
Nadine Bouette, professeur au lycée Blaise Pascal à Ambert
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