Pierre Alexis Ponson du Terrail
LA BARONNE TRÉPASSÉE
Le Moniteur du Soir, 1852
Baudry, 1853
Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits » Table des matières
PROLOGUE ..............................................................................5
I .....................................................................................................6
II.................................................................................................. 14
III ............................................................................................... 20
IV.................................................................................................27
V38
VI41
VII ...............................................................................................42
VIII ..............................................................................................46
PREMIÈRE PARTIE...............................................................48
I ...................................................................................................49
II..................................................................................................53
III ................................................................................................54
IV.................................................................................................58
V 61
VI67
VII ...............................................................................................73
VIII ..............................................................................................86
IX.................................................................................................95
X ................................................................................................105
XI113
XII .............................................................................................120
XIII131
XIV ............................................................................................136
XV.............................................................................................. 145 XVI ............................................................................................148
XVII........................................................................................... 157
XVIII ......................................................................................... 165
XIX 174
XX..............................................................................................184
XXI .............................................................................................191
XXII201
XXIII ........................................................................................ 203
DEUXIÈME PARTIE ............................................................205
XXIV......................................................................................... 206
XXV ...........................................................................................216
XXVI..........................................................................................225
XXVII235
XXVIII.......................................................................................241
XXIX ........................................................................................ 248
XXX254
XXXI .........................................................................................263
XXXII269
XXXIII ......................................................................................274
XXXIV 284
XXXV297
XXXVI 302
XXXVII .................................................................................... 309
TROISIÈME PARTIE.............................................................311
XXXVIII 312
XXXIX....................................................................................... 317
XL..............................................................................................321
XLI ............................................................................................ 331
– 3 – XLII ...........................................................................................336
À propos de cette édition électronique................................ 348
– 4 – PROLOGUE
– 5 – I
– Duchesse !
– Baron…
– Avez-vous des nouvelles de Mgr le régent ?
– Aucune depuis hier.
– Cela m’inquiète sérieusement, ma pauvre duchesse ; et je
crains fort…
– Ne craignez rien, baron, votre nomination doit être si-
gnée à cette heure.
– Dieu vous entende, duchesse !
– Vous tenez donc bien, cher, à ce gouvernement ?
– Dame ! duchesse, jugez-en vous-même. J’ai fait appeler
mon intendant hier soir, et je lui ai demandé un exposé succinct
et clair de mes affaires…
– Je devine, vous êtes ruiné…
– Mieux que cela, duchesse, j’ai un million de dettes et plus
de crédit.
– Vous ne paierez pas vos dettes, mon pauvre baron.
– J’y ai déjà songé, duchesse : mais comment en ferai-je
d’autres ?
– 6 –
– Enfant ! puisque vous allez être gouverneur de la pro-
vince de Normandie pour Sa Majesté le roi Louis XV.
– Très bien. Mais si je ne le suis pas ?…
Et le baron, qui était encore au lit, allongea sa main fine et
aristocratique vers le guéridon qui se trouvait à son chevet, y
prit sa boîte d’or, et barbouilla coquettement son jabot de cette
poudre jaune, qu’on nommait le tabac d’Espagne.
La duchesse, assise dans un grand fauteuil à dossier rem-
bourré, frappa le parquet du bout de sa mule à talon avec un
petit air impatient, et répondit :
– Savez-vous que vous êtes un impertinent, baron ?
– En quoi, s’il vous plaît, duchesse ?
– La question est plaisante ! Comment ! Vous doutez de
mon crédit ?
– Ah ! duchesse !
– Sans nul doute. Car vous supposez que vous pourriez ne
pas être nommé…
– Ainsi, je puis espérer.
– Sans la moindre crainte.
– Et dormir sur mes deux oreilles…
– Quand je serai partie, baron.
– Oh ! pas avant, duchesse.
– 7 –
– Mon Dieu ! fit ingénument la duchesse, vous êtes si peu
courtois, messieurs, depuis la mort du grand roi…
– Donnez-moi vos mains de fée, duchesse, et venez vous
asseoir ici, là… tout près.
– Que vous êtes enfant !…
– Je vais vous faire une confidence…
– Bah ! quelque intrigue nouée aux Porcherons, et dé-
nouée…
– Nulle part, duchesse. On veut me marier…
La duchesse, qui était assise sur le bord du lit, se leva vive-
ment, et alla se replacer dans son fauteuil avec un froncement
de sourcils et un air boudeur qui flattèrent à un haut degré
l’amour-propre du baron.
– Ah ! dit-elle ; et… avec quoi ?
– Oh ! ne soyez point jalouse, duchesse… Ce n’est vraiment
pas la peine… C’est une fille de traitant…
Le minois chiffonné de la duchesse s’épanouit aussitôt :
– La chose serait grave si vous n’étiez Nossac, mon cher ba-
ron, dit-elle.
– Mon Dieu ! fit insouciemment le baron de Nossac, car
c’était lui que nous trouvons ainsi couché, je sais bien que ce
serait une mésalliance…
– Une énormité !
– 8 –
– Mais que voulez-vous ? Les mésalliances sont de mode
depuis tantôt un siècle.
– Vous trouvez ? fit madame d’A… dont le front se rembru-
nit et qui pâlit aussitôt.
– Sans doute, duchesse, la reine Anne d’Autriche n’a-t-elle
pas épousé Mazarin ?
– Secrètement, baron.
– D’accord ; mais qu’importe ! La Grande Mademoiselle
n’a-t-elle pas épousé Lauzun, Louis XIV, la Maintenon ; Mgr le
régent n’a-t-il pas semblable peccadille dans sa famille ?
– Ainsi donc, fit la duchesse, qui se leva courroucée, vous
auriez le courage…
– Je ne dis pas cela, duchesse, puisque vous m’obtenez un
gouvernement ; mais enfin… si je ne l’avais pas… que diable !
mon futur beau-père aurait assez d’or…
– Pour vous faire oublier sa roture, n’est-ce pas ? Vraiment,
fit la duchesse indignée, les gentilshommes s’en vont !
– Quand ils n’ont pas de gouvernement, duchesse.
– Et, fit-elle en prenant un ton dédaigneux et moqueur, qui
donc vous a proposé ce mariage ?
– Simiane, duchesse. Il m’offre une femme jolie, spirituelle,
de bonnes manières, et affligée de je ne sais combien de mil-
lions.
– 9 – – Acceptez-la, monsieur, fit la duchesse en se pinçant les
lèvres ; je ne m’opposerai jamais à votre bonheur…
– Fi ! duchesse, la vilaine bouderie… J’ai refusé.
– Net ? demanda la duchesse avec un éclair de joie qui bril-
la dans ses grands yeux bleus.
– À peu près ; Simiane doit revenir aujourd’hui.
– Et vous refuserez encore ?
– C’est selon, répondit M. de Nossac ; si j’ai mon gouver-
nement…
– C’est juste, dit la duchesse ; mais vous aurez votre gou-
vernement.
– Je ne demande pas autre chose, duchesse.
– Et je cours chez le duc.
– Allez, duchesse.
– Et vos lettres patentes vous seront expédiées dans une
heure.
– J’y compte, duchesse.
Et sans rien perdre de son flegme, le baron de Nossac indi-
qua du doigt la pendule.
– Je vous donne une heure de plus, duchesse, fit-il ; il est
midi ; Simiane sera ici à une heure ; il y restera jusqu’à deux.
– 10 –