Gustave Aimard
LE GRAND CHEF
DES AUCAS
Tome I
(1858)
Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits » Table des matières
PRÉFACE ..................................................................................5
I LE CHAPARRAL. ..................................................................8
II LES FRÈRES DE LAIT.......................................................18
III LA RÉSOLUTION.............................................................28
IV L’EXÉCUTION38
V LA TRAVERSÉE. ................................................................46
VI LA LINDA..........................................................................53
VII MARI ET FEMME. ..........................................................62
VIII LES CŒURS SOMBRES. ...............................................72
IX DANS LA RUE. .................................................................81
X COUPS D’ÉPÉES. ............................................................... 91
XI LE GÉNÉRAL DON PANCHO BUSTAMENTE. ............102
XII L’ESPION........................................................................115
XIII AMOUR. 127
XIV LA QUINTA VERDE..................................................... 137
XV LE DEPART....................................................................150
XVI LA RENCONTRE...........................................................161
XVII LES PUELCHES..........................................................169
XVIII LE CHACAL NOIR.....................................................180
XIX DEUX VIEUX AMIS FAITS POUR S’ENTENDRE......189 XX LE MACHI – SORCIER. –............................................ 200
XXI LES FUNÉRAILLES D’UN APO ULMEN.................... 214
XXII EXPLICATIONS..........................................................223
XXIII LA CHINGANA.232
XXIV LES DEUX ULMÈNES. .............................................244
XXV ANTINAHUEL – LE TIGRE SOLEIL –......................253
XXVI LE PARRICIDE..........................................................263
XXVII LA JUSTICE DES CŒURS SOMBRES. ...................273
XXVIII LE TRAITÉ DE PAIX. ............................................ 282
XXIX L’ENLÈVEMENT....................................................... 291
XXX LA PROTESTATION. ................................................. 302
XXXI ESPAGNOL ET INDIEN............................................ 314
XXXII DANS LA MONTAGNE.323
XXXIII AUX AGUETS. ........................................................ 331
XXXIV FACE À FACE.......................................................... 341
XXXV LA RÉVOLTE........................................................... 348
XXXVI LE LION AUX ABOIS. ............................................357
XXXVII EN PARLEMENTAIRE..........................................365
XXXVIII DEUX PROFILS DE COQUINS. ..........................374
XXXIX LE BLESSÉ..............................................................385
XL DIPLOMATIE ARAUCANIENNE..................................395
XLI DIPLOMATIE ARAUCANIENNE (suite).................... 403
– 3 – XLII COURSE DE NUIT...................................................... 412
XLIII DEUX HAINES. ......................................................... 421
XLIV RETOUR À VALDIVIA............................................... 431
XLV OÙ LE PÈRE SE RÉVÈLE. .......................................... 441
À propos de cette édition électronique................................ 450
– 4 – PRÉFACE
Il y a trente ou quarante ans, alors qu’on mettait près de
quinze jours pour se rendre de Paris à Marseille, et qu’on n’était
pas toujours sûr d’arriver à destination, il fallait être doué d’une
certaine dose de courage pour se risquer de propos délibéré sur
un navire à vapeur partant à la découverte. Les pays étrangers
étaient entourés d’une auréole mystérieuse qui faisait regarder
comme des êtres à part ceux que le besoin d’aventures ou le dé-
sir d’apprendre poussaient vers les régions inconnues.
Aujourd’hui, grâce à la vapeur et aux chemins de fer, les
distances n’existent plus ; le besoin de changer de place est de-
venu général, et tous, grands ou petits, riches ou pauvres,
s’élancent à qui mieux mieux vers les régions éloignées. Qui n’a
fait au moins, une fois dans sa vie le tour du monde ?
Seulement, comme l’a dit un grand poète contemporain,
aujourd’hui on ne voyage plus, on arrive. En effet, les pays qui
séparent le point de départ de celui de l’arrivée, demeurent sup-
primés, un coin du voile seulement est soulevé, et la curiosité
vivement excitée se tourne de plus en plus vers ces contrées
lointaines entrevues à peine à travers des nuages de vapeur et
de fumée.
À l’époque où M. Aimard a entrepris ses voyages, la vapeur
n’était encore que dans l’enfance et les chemins de fer
n’existaient pas.
Tourmenté par une fiévreuse inquiétude dont il ne cher-
chait même pas à se rendre compte, ne pouvant souffrir aucun
frein et aspirant à des jouissances suprêmes loin du monde civi-
– 5 – lisé qu’il ne voulait pas comprendre, M. Aimard partit avec
l’intention de ne plus revenir. Libre de tout lien, de toute affec-
tion, ne laissant derrière lui ni amitiés ni haines, le jeune aven-
turier était dans les meilleures conditions possibles pour mener
la vie étrange qui allait commencer pour lui. Aussi, avec quel
bonheur il posa le pied en Amérique et il s’élança à travers les
Pampas et les prairies !
Vingt années de sa vie se sont ainsi écoulées au milieu des
tribus errantes et indomptées des deux Amériques, franchissant
à leur suite d’incommensurables distances ; chassant, pêchant
et combattant avec les Indiens ; sondant le désert dans ses plus
mystérieuses profondeurs ; gravissant les cimes les plus escar-
pées des Cordillères, ou, la hache à la main, se frayant un che-
min à travers les forêts vierges du Nouveau-Monde.
Cette vie du désert, si rude, si pleine de fatigue, est bien
faite pour renouveler l’homme ; les idées s’élargissent, on
s’habitue à penser et à croire. La vie des bois vous rend meilleur
et vous fait comprendre la mission de dévouement,
d’abnégation et de travail que Dieu a imposée à l’homme sur la
terre.
Quelle existence que celle du nomade ! Ne reconnaissant
d’autre maître que Dieu, d’autre loi que son caprice, libre
d’entraves de toute sorte, monté sur un cheval aussi indompta-
ble que lui-même, ses pistolets à la ceinture, son couteau dans
sa botte, son laço aux arçons, et son fusil sur le devant de sa
selle, il s’élance gaiement en avant. Il ne sait où il va et ne se
soucie même pas de le savoir, se fiant à son courage et à son au-
dace, convaincu que Dieu ne l’abandonnera pas.
Rentré dans le monde civilisé, M. Aimard a pris la plume,
non pour se faire homme de lettres, mais pour revivre avec son
passé. Il se croit encore au désert, lorsqu’il raconte ses courses
– 6 – aventureuses, ses chasses émouvantes, les périls qu’il a affron-
tés.
Dans un premier ouvrage, les Trappeurs de l’Arkansas, il
n’avait timidement esquissé que quelques-unes de ses aventures
dans les prairies ; dans le Grand Chef des Aucas, il s’est laissé
malgré lui emporter par le flot puissant de ses souvenirs. Il a
voulu retracer comment lui, enfant perdu de cette civilisation
européenne tant vantée mais si étroite, il s’était peu à peu trans-
formé au désert, et comment, à l’aspect des forêts vierges, sous
la conduite des sauvages habitants de ces contrées, il était enfin
devenu homme.
Valentin Guillois n’est pas un héros de convention, c’est
l’auteur tout entier avec ses qualités et ses défauts ; ce livre n’est
que l’histoire de ses sensations. Ses acteurs, M. Aimard les a
tous connus, il a partagé leurs joies et leurs douleurs. Au-
jourd’hui il éprouve un plaisir rétrospectif indicible à se retrou-
ver avec eux, à les ressusciter tels qu’il les a vus à l’époque où il
était si heureux parce qu’il était libre.
« C’est à ce titre que j’applaudis au livre de M. Aimard, »
dit M. Paul d’Ivoi dans sa chronique, « ce qu’il faut voir surtout
dans un livre, c’est l’esprit qui l’anime, le sentiment qui
l’inspire. Quand les Arabes tuent un lion, ils en font manger le
cœur à leurs enfants pour les rendre forts. Ces livres qui nous
parlent de liberté, de grand air, de courage, de dévouement, de
vaillance, sont une saine nourriture : c’est aussi du cœur de
lion. »
– 7 – I
LE CHAPARRAL.
Pendant mon dernier séjour en Amérique, le hasard, ou
plutôt ma bonne étoile, me fit lier connaissance avec un de ces
chasseurs, ou coureurs des bois, dont le type a été immortalisé
par Cooper, dans son poétique personnage de Bas de cuir.
Voici dans quelle étrange circonstance, Dieu nous plaça en
face l’un de l’autre :
Vers la fin de juillet 1855, j’avais quitté Galveston, dont je
redoutais les fièvres, mortelles pour les Européens, avec le pro-
jet de visiter la partie N.-O. du Texas, que je ne connaissais pas
encore.
Un proverbe espagnol dit quelque part : mas vale andar
solo que mal acompanado, mieux vaut aller seul que mal ac-
compagné.
Comme tous les proverbes, celui-ci possède un certain fond
de vérité, surtout en Amérique, où l’on est exposé à chaque ins-
tant à rencontrer des coquins de toutes les couleurs qui, grâce à
leurs dehors séduisants, vous charment, captent votre
confiance, et en profitent sans remords à la première occasion,
pour vous détrousser et vous assassiner.
J’avais fait mon profit du proverbe, et, en vieux routier des
prairies, comme je ne voyais autour de moi personne qui
m’inspirât assez de sympathie pour en faire mon compagnon de
– 8 – voyage, je m’étais bravement mis en route seul, revêtu du pitto-
resque costume des habitants du pays, armé jusqu’aux dents, et
monté sur un excellent cheval demi sauvage, qui m’avait coûté
vingt-cinq piastres ; prix énorme pour ces contrées, où les che-
vaux sont presque à r