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Femmes, microfinance et épargne :
quelques propositions tirées de l’analyse
des pratiques informelles
Rebecca M. Vonderlack
et
Mark Schreiner
23 septembre 2003
Center for Social Development
Washington University de St. Louis
One Brookings Drive, St. Louis, MO 63130 4899, U.S.A.,
beckyv@uchicago.edu, schreiner@gwbmail.wustl.edu
Résumé
La microfinance — que ce soit le crédit ou l’épargne — est capable d’améliorer le
bien être des femmes pauvres dans les pays en voie de développement. Dans cet
article, nous proposons d’explorer des voies concrètes permettant de mettre en
oeuvre ce potentiel. En se basant sur l’expérience des mécanismes d’épargne
informelle que les femmes utilisent déjà, cet article propose deux services
d’épargne conçus pour prendre en compte les problèmes auxquels les femmes sont
confrontées. Nous plaidons pour la mise en place de coffres de dépôts et de
comptes d’épargne bonifiée destinés aux soins de santé ou à l’éducation.
Remerciements
Nous remercions Michael Sherraden, Amanda Moore, et Kara Fecht pour leur
soutien et leurs commentaires, Carlos Hernández et les employés de Proyecto
Génesis de Tegucigalpa (Honduras) pour leur aide à la recherche, et le
Département Asset Building and Community Development de la Fondation Ford
pour le financement. La version anglaise de cet article a été publiée sous le titre
“Women, Microfinance, and Savings: Lessons and Proposals”, en novembre 2002
dans Development in Practice, Vol. 12, No. 5, pp. 602–612. La version français
de cet article a été publiée en Guérin, I. et Servet J. M. (2003), Exclusion et liens
financiers, Rapport du Centre Walras, Paris: Editions Economica. Por la
traduction, nous remercions Isabelle Guérin ( ia.guerin@wanadoo.fr) du Centre
Walras et du Institut de Recherche pour le Développement, Laboratoire
Population Environnement, Université de Provence.
Femmes, microfinance et épargne :
quelques propositions tirées de l’analyse
des pratiques informelles
1. Preséntacion
Le récent passage du terme « microcrédit » à celui de « microfinance »
reflète la reconnaissance du fait que les services d’épargne — et pas uniquement
les prêts — peuvent contribuer à améliorer le bien-être des pauvres en général, et
des femmes en particulier (Zeller et Sharma, 2000). Bien que la microfinance
s’adresse souvent aux femmes, et que les femmes utilisent souvent la
microfinance, Johnson (1999) note que la conception des produits ne prend que
rarement en compte les aspects spécifiques au sexe de l’utilisateur des services
financiers. En effet, bien qu’il soit couramment admis que la microfinance est
susceptible d’aider les femmes, peu de programmes proposent des moyens
répondant aux demandes spécifiques des femmes pauvres en matière de services
d’épargne.
De quelle façon les services d’épargne peuvent ils servir au mieux les
femmes pauvres ? Il peut être utile de s’inspirer des mécanismes d’épargne
informelle que les femmes pauvres utilisent déjà partout dans le monde :
collecteurs ambulants, associations rotatives d’épargne crédit, et clubs d’épargne
1
annuels. SafeSave au Bangladesh et la Banque Rakyat Indonesia sont des
exemples de mise en pratique de ces enseignements.
Cet article tire les leçons du financement informel pour concevoir des
services d’épargne formelle qui répondent aux responsabilités à la fois
économiques et familiales des femmes, tout en tenant compte des contraintes
sociales et culturelles qui leur sont défavorables, que ce soit des normes de type
patriarcale ou de la violence domestique. Deux services spécifiques sont
présentés. Le premier — les coffres de dépôt — permet aux femmes de conserver
leur épargne indépendamment de leurs époux. Cela stimule leur liberté et leur
pouvoir de négociation à l’intérieur du ménage, et amortit le choc en cas de
divorce ou d’abandon. Le second — les comptes d’épargne bonifiée — structure
l’épargne, encourage l’entraide entre femmes épargnantes et subventionne
l’épargne dirigée vers des objectifs spécifiquement féminins, comme les soins de
santé ou les frais de scolarité.
2. Microfinance, microcrédit et microépargne
L’intérêt pour la microépargne — au delà du simple microcrédit — s’est
développé lorsque les praticiens de la microfinance ont compris que les petits
prêts ne sont pas toujours adaptés aux femmes pauvres (Kabeer, 2001). Après
tout, un prêt se transforme en dette, et en cas de disparition d’une source prévue
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de financement du remboursement, les pauvres se retrouvent en situation de crise
(Rogaly, 1996).
Ainsi, l’emprunt se révèle souvent plus risqué que l’épargne. Par exemple,
une femme peut épargner ou emprunter pour acheter une machine à coudre. Si
un enfant tombe malade, les économies peuvent servir à payer les soins, tandis
que le remboursement de la dette serait susceptible d’empêcher un traitement
médical. De plus, si tout le monde ne peut pas se voir allouer un crédit ou ne
souhaite pas s’endetter, tout le monde a la capabilité d’épargner pour se
constituer un avoir. Bien sûr, l’épargne exige des sacrifices immédiats et avec
l’épargne — contrairement à l’emprunt — le sacrifice précède la récompense. En
revanche, l’épargne offre une flexibilité et, alors que les emprunteurs paient des
intérêts, les épargnants perçoivent des intérêts. De plus, le choix d’épargner est
volontaire ; une fois que l’on est endetté, le remboursement est obligatoire.
L’épargne et le prêt ont tous deux leur place, mais l’épargne constitue souvent un
meilleur choix pour des femmes pauvres.
Aujourd’hui, de multiples travaux ( par exemple, Sinha et Matin, 1998;
Johnson, 1998) ont mis en évidence le fait que bon nombre de crédits,
normalement destinés à financer une activité entrepreneuriale, sont en réalité
alloués à la consommation, puis remboursés à partir de sources de revenus pré
existantes. En conséquence, les pauvres expriment une forte demande, non
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seulement pour des crédits de microentreprises, mais aussi pour des services
financiers qui les aident à gérer la trésorerie du ménage.
Selon Rutherford (2000), les pauvres (comme les non pauvres) utilisent
des services financiers pour transformer de fréquentes rentrées d’argent liquide de
faible montant (comme celles provenant de la vente quotidienne de lait) en
sommes importantes et utiles (pour acheter une vache ou de la terre, par
exemple). Ils peuvent aussi utiliser des services financiers pour transformer des
rentrées importantes (comme les salaires mensuels ou les recettes de la vente
d’une vache) en petites sorties d’argent régulières (comme les achats quotidiens
de nourriture).
L’épargne accumulée peut aussi servir de réserve pour faire face à des pics
prévus ou imprévus dans les dépenses du ménage : naissance, frais de scolarité,
réparations du logement, célébrations d’événements liés au cycle de vie, ou bien
veuvage (par mort, divorce, ou abandon). L’épargne peut aussi protéger des
risques familiaux dus à la maladie, le vol ou la perte d’emploi, ou des risques
structurels provoqués par la guerre, les inondations ou les incendies. Enfin,
l’épargne permet aux gens de profiter d’opportunités d’investissement
inattendues. En tant que ressource stockée, l’épargne se révèle utile pour un large
éventail d’utilisations.
Dans un livre tres reconnu — The Poor and Their Money (Les Pauvres et
Leur Argent) —, Rutherford (2000) décrit deux types d’ « intermédiation
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financière personnelle de base » utilisés par les pauvres : l’épargne « à priori » et
l’épargne « à postériori ». Dans l’usage courant l’épargne « à priori » est
simplement appelée « épargne »; les pauvres transforment un flux réduit de
petites rentrées d’argent en un solde accumulé, qui devient à un certain moment
une sortie d’argent importante (pour une urgence, un objet coûteux ou un
évènement de la vie). Dans l’usage courant, « l’épargne à postériori » est appelée
« emprunt ». Les nouveaux termes de Rutherford soulignent le fait que, dans
l’épargne comme dans le prêt, les pauvres