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Institut de Documentation et de
Recherche sur la Paix
Les cahiers
de l’IDRP
décembre 2011
* Que penser du devoir de protection
des populations civiles ?
par Daniel Durand - Xavier Guilhou - Daniel Lagot - Marine
Malberg - Michel Veuthey - Roland Weyl
* Changements climatiques:quels
enjeux ?
par Hervé Bramy - Michel Rogalski - Ignacy Sachs
IDRP - 4 place des Bouleaux - 94200 Ivry-sur-Seine- http://www.institutidrp.org Les Cahiers de l'IDRP - décembre 2011
Devoir de protéger : débats, avenir...
Par Daniel Durand,
chercheur à l'Institut de Recherches et de documentation pour la paix
Introduction :
L'actualité internationale est marquée par les événements qui se sont déroulés en Afrique du
Nord, au Moyen-Orient, en Côte d'Ivoire et dans d'autres pays africains. Deux questions sont
centrales : la protection des populations face à des gouvernements tyranniques et violents, la
signification et la portée de l'aspiration grandissante à la vie démocratique et à l'ouverture des
sociétés.
Les Nations unies, au travers de résolutions au contenu nouveau centré sur la nouvelle notion
de « responsabilité de protéger », se sont trouvées au centre du règlement de ces problèmes.
Ont-elles été "instrumentalisées" comme l'avancent certaines analyses ? Ou, de manière plus
complexe, doit-on constater que chaque élaboration de résolution, chaque interprétation,
chaque mise en œuvre ont été l'objet d'une bataille politique et diplomatique féroces de
certaines grandes puissances du Conseil de sécurité (USA, France et Grande-Bretagne) pour
les détourner au profit de leurs intérêts stratégiques, politiques, économiques. D'autres
puissances comme Chine et Russie ne se sont pas opposées à ces avancées du concept de
« sécurité humaine », mais n'ont pas essayé de mieux cadrer les manœuvres des puissances
occidentales malgré une déclaration tardive des pays du B.R.I.C -Brésil, Russie, Inde, Chine-.
Dans toutes ces crises, les organisations régionales, Union africaine et CEDEAO, Ligue arabe
ont joué un rôle de plus en plus important malgré encore beaucoup de confusions dans leurs
rangs et malgré les réticences des grandes puissances à les écouter.
Les opinions publiques et ONG ont peu pesé dans les débats car elles ont eu du mal à sortir de
leur fonction protestataire (« Non à la guerre ») pour peser et dire « Oui à la protection des
civils, Oui au respect strict du droit international dans l'utilisation de la contrainte, Oui au
contrôle exclusif par l'ONU »
Si on veut continuer de faire avancer le droit international ET limiter, voire empêcher les
manipulations et manœuvres des grandes puissances, il est nécessaire d'approfondir le débat
sur un certain nombre de problèmes : dans quelle évolution du monde se situent les débats
d'aujourd'hui?Quelles sont aujourd'hui les marges de manœuvres des États, celles des opinions
publiques ? Peut-on « encadrer » l'intervention des grandes puissances et donner plus de place
aux Nations unies ? Construire une véritable sécurité humaine est-il un leurre ou une
perspective raisonnable ?
Le monde change
Le débats sur l'attitude des grandes puissances, la place des Nations unies, le contenu de
nouveaux concepts comme celui de la « responsabilité de protéger » sont à replacer dans
l'évolution des relations internationales dans les deux dernières décennies. Celles-ci sont
notamment marquées par une interdépendance grandissante des États et des sociétés, une
irruption de « l'humain » de plus en plus au centre des relations internationales.
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Une interdépendance grandissante : économique, politique, idéologique
Chacun s'accorde à noter l'accroissement considérable des échanges économiques et
commerciaux, donc de l'interdépendance des États, dans le cadre des progrès de la
mondialisation. Les questions de la guerre et de la paix s'en trouvent affectées : va-t-on vers
des guerres pour la domination économique, la possession des matières premières ou, comme
le pense le professeur Mack, auteur d'un Rapport sur la sécurité humaine, « l'interdépendance
a augmenté le coût de la guerre, tout en réduisant ses avantages. » Dans le système
commercial mondial, il est presque toujours moins cher aujourd'hui d'acquérir des biens et des
matières premières par le commerce, que d'envahir un pays afin de les voler : n'est-ce pas une
des contradictions rencontrées en Irak et en Afghanistan ? Les chantiers de reconstruction
génèrent certes des profits mais compensent-ils les coûts militaires de plus en plus exorbitant
des conflits et le manque à gagner plus ou moins long dus à l'arrêt d'échanges commerciaux
normaux ?
L’interdépendance politique, le resserrement des bonnes relations entre États, constitue un
deuxième volet. Le monde compte deux fois plus de pays qu'il y a cinquante ans, ils
entretiennent des liens politiques de plus en plus étroits : le Secrétaire général de l'ONU, Ban
Ki-moon, a rappelé récemment qu'en 1960, l'ONU ne comptait que 99 États membres dont
quatre pays africains contre 192 aujourd'hui. Les ensembles régionaux se sont multipliés :
Union européenne, ARENA, MERCOSUR, Union africaine, etc... Le système international
onusien a développé ses interventions, en particulier, depuis la fin de la guerre froide.
L'implication considérable des ONG, humanitaires, de développement ou de défense des
droits humains, le nombre des pays engagés dans des dispositifs divers pré et post-conflits,
créent ainsi une interdépendance politique nouvelle au niveau mondial.
Ces évolutions aux niveaux économique, politique s'accompagnent d'évolutions parallèles au
niveau des mentalités et des esprits.
Il existe un écart réel entre l'évolution réelle des conflits et de leurs victimes dans le monde
qui est en baisse, et l'impression subjective que l'opinion éprouve d'une violence sans
pareille... Ce rejet croissant de la violence du monde est sans doute lié aussi à la sur-
information médiatique. Jour après jour, les journaux et la télévision doivent remplir leurs
pages et leurs tranches d'actualités d'événements spectaculaires, ce qui aboutit à sur-valoriser
le moindre affrontement dans un pays, sans échelle de proportions raisonnable... En même
temps, la diffusion de l'information est devenue mondialisée, accélérée par les nouveaux
outils de communication (télévision satellite, internet) et les réseaux sociaux qui se
développent (Facebook, Twitter). C'est la naissance d'une nouvelle interdépendance, celle des
esprits, des cerveaux des citoyens/citoyennes !
Les réactions des opinions publiques prennent ainsi du poids et peuvent influencer en partie
les interventions des États démocratiques. Ceux-ci sont d'ailleurs de plus en plus nombreux
puisque le pourcentage de pays dotés de gouvernements élus dans des systèmes électoraux
démocratiques a doublé entre 1950 et 2008, de 29 % à 58 %.
Cette interdépendance plus grande des esprits ne peut que réjouir ceux qui luttent pour "élever
les barrières de la paix dans l'esprit des hommes" selon le préambule constitutif de
l'UNESCO. Certes, chacun sait que le chemin pour promouvoir une culture de paix mondiale
sera long...
Cette interdépendance économique, politique, des esprits est le phénomène dominant même si
elle s'accompagne de mouvements de fragmentation/division : opposition de communautés,
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tentation de créer des micro-états. Elle s'accompagne d'une évolution où les États n'occupent
plus seuls la scène internationale.
l'humain au centre
La fin de la Guerre froide a vu un bouillonnement de réunions internationales, d'éclosion de
réflexions et de concepts. Toutes les conférences et travaux de cette époque ont débouché sur
des normes dont la caractéristique était de placer la notion d'individu, d'humain au centre des
préoccupations. On parle alors de développement humain, de droits humains nouveaux. Ces
idées de déve