Texte A : extrait d'Honoré de BALZAC, Le Chef d'œuvre inconnu (1832)Texte A : extrait d'Honoré de BALZAC, Le Chef d'œuvre inconnu (1832)1234567Un vieillard vint à monter l'escalier. A la bizarrerie de son costume, à la magnificence de son rabat dedentelle, à la prépondérante sécurité de la démarche, le jeune homme devina dans ce personnage ou le8protecteur ou l'ami du peintre ; il se recula sur le palier pour lui faire place, et l'examina curieusement,espérant trouver en lui la bonne nature d'un artiste ou le caractère serviable des gens qui aiment les arts9; mais il aperçut quelque chose de diabolique dans cette figure, et surtout ce je ne sais quoi quiaffriande les artistes. Imaginez un front chauve, bombé, proéminent, retombant en saillie sur un petit10nez écrasé, retroussé du bout comme celui de Rabelais ou de Socrate ; une bouche rieuse et ridée, unmenton court, fièrement relevé, garni d'une barbe grise taillée en pointe, des yeux vert de mer ternis en11apparence par l'âge, mais qui par le contraste du blanc nacré dans lequel flottait la prunelle devaientparfois jeter des regards magnétiques au fort de la colère ou de l'enthousiasme. Le visage était12d'ailleurs singulièrement flétri par les fatigues de l'âge, et plus encore par ces pensées qui creusentégalement l'âme et le corps. Les yeux n'avaient plus de cils, et à peine voyait-on quelques traces de13sourcils au-dessus de leurs arcades saillantes. Mettez cette tête sur un corps fluet et ...