Bac ES 2012, épreuve de Philosophie, explication Berkeley Proposition de corrigé Dans ce texte, Berkeley met en parallèle la morale et les mathématiques, plus précisément la géométrie. Pour donner une rigueur formelle à ce qui nous pousse à agir, c’est-à-dire aux règles de nos actions, il les compare aux règles de la géométrie. En effet, celle-ci sont « éternelles », « immuables » et « universelles », c’est-à-dire valables pour tous, elles ne changent pas. Mais peut- on véritablement comparer la géométrie qui est une science exacte à la morale, qui semble dépendre de la subjectivité et de la sensibilité de chacun ? Le but de l’auteur est de justifier l’obéissance passive en faisant comme si elle relevait d’un processus de démonstration mathématique. Cet exemple de moralité interroge sur l’origine de ce qui nous pousse à obéir. À qui faut-il obéir de manière inconditionnelle, sans douter, sans remettre en question un pouvoir suprême ? Y a-t-il une puissance légitime à laquelle nous devons nous soumettre de manière indubitable et avec l’application de règles aussi implacables que celles des mathématiques ? I. Les règles morales et les propositions de géométrie Nul doute que les deux domaines exigent l’universalité et l’immutabilité. On ne peut que constater ces deux exigences en mathématiques comme en morale. Cependant ces deux caractéristiques n’ont pas la même valeur. Car le caractère universel et absolu des mathématiques a pour enjeu la vérité.
Bac ES 2012, épreuve de Philosophie, explication Berkeley
Proposition de corrigé
Dans ce texte, Berkeley met en parallèle la morale et les mathématiques, plus précisément la géométrie. Pour donner une rigueur formelle à ce qui nous pousse à agir, cest-à-dire aux règles de nos actions, il les compare aux règles de la géométrie. En effet, celle-ci sont éternelles , immuables et universelles , cest-à-dire valables pour tous, elles ne changent pas. Mais peut-on véritablement comparer la géométrie qui est une science exacte à la morale, qui semble dépendre de la subjectivité et de la sensibilité de chacun ? Le but de lauteur est de justifier lobéissance passive en faisant comme si elle relevait dun processus de démonstration mathématique. Cet exemple de moralité interroge sur lorigine de ce qui nous pousse à obéir. qui faut-il obéir de manière inconditionnelle, sans douter, sans remettre en question un pouvoir suprême ? Y a-t-il une puissance légitime à laquelle nous devons nous soumettre de manière indubitable et avec lapplication de règles aussi implacables que celles des mathématiques ?
I. Les règles morales et les propositions de géométrie
Nul doute que les deux domaines exigent luniversalité et limmutabilité. On ne peut que constater ces deux exigences en mathématiques comme en morale. Cependant ces deux caractéristiques nont pas la même valeur. Car le caractère universel et absolu des mathématiques a pour enjeu la vérité.En ce qui concerne la morale, lenjeu est le bien, la justice.
Lexemple de la résistance énonce une règle qui semble aussi rigoureuse quune proposition de géométrie car, malgré le caractère particulier du tu dois , elle énonce une sentence que lon peut universaliser sans contradiction logique. Il semble donc que cette règle soit opératoire, cest-à-dire que lon puisse lappliquer pour tous, en tout temps et en tout lieu. Nest-ce pas là une usurpation dun droit à la résistance, en particulier lorsque le pouvoir suprême ici désigné est abusif ou injuste ?
Mesurer la surface dun triangle est une opération valable pour tous les triangles et même, dit lauteur, pour ceux qui ne sont pas conformes à la définition dun triangle parfait. Mais en morale, est-ce la même nécessité mathématique que lon peut appliquer à nos actions ? Berkeley fait comme si seule la raison pouvait décider de nos actions.
En mettant sur le même plan les exceptions en mathématiques (un champ qui nest pas exactement un triangle) et en morale (le gouvernement renversé ou le pouvoir suprême disputé) lauteur veut montrerquecesontlesperceptionssensiblesquinouspermettentdeconnaîtreoudagir.
Ce sont les faits qui nous permettent de connaître les propositions mathématiques, comme par exemple lexistence du triangle. Berkeley sinscrit dans la tradition des empiristes qui pensent que ce sont nos sens qui sont à lorigine de nos idées. Mais avons-nous de même une perception sensible des idées morales ? Il existe bien un gouvernement civil mais avons-nous grâce à lui la connaissance de ce que nous devons faire ?
Il faut donc et il suffit pour lauteur de savoir où est le pouvoir suprême pour sy conformer. Cest la perception de la réalité qui nous donne lassurance de lexistence dun tel pouvoir. Or quen est-il de la légitimité et de la justice de ce pouvoir suprême ? En quoi faut-il obéir si la seule règle que lon doit se prescrire découle de la perception dun pouvoir civil ? Le devoir dobéissance nest-t-il pas une contrainte cest-à-dire extérieur à notre volonté ?
III. Lenjeu pratique du parallèle entre morale et mathématique
Nous ne devons plus douter, nous devons obéir : telle est la règle à laquelle lauteur prétend se soumettre. Or quen est-il de lautonomie ? Berkeley explique, à la manière des géomètres, que lobéissance ne doit pas être contestée car il prétend la fonder sur les règles de la raison : universalité et immutabilité. Or dans son usage théorique, la raison parvient à faire abstraction de laspect sensible des individus, des désirs, des passions, des sentiments qui linfluencent. Peut-il en être de même en ce qui concerne son aspect pratique ?
Lusage de la raison en morale conduit lhomme non pas à se soumettre mais à lautonomie. Lautonomie est définie comme le devoir, cest-à-dire lobéissance à la règle que lon sest donnée soi-même. Cependant, la raison ne doit alors être influencée par aucune raison extérieure.
Comme lexpliquera Hume, la raison ne relève que de la vérité et non de ce qui est bon ou pas. Comment peut-elle juger en morale de ce que nous devons faire comme elle juge du vrai et du faux en mathématiques ?
Sous lapparente rigueur du raisonnement mathématique, Berkeley prétend justifier lobéissance passive que requiert un pouvoir civil suprême. Cependant on a pu sinterroger sur lenjeu de cette obéissance qui, si elle maintient lordre et luniversalité dune règle, nen est pas moins suspendue au caractère sensible des individus et surtout à larbitraire des pouvoirs qui les force à obéir sans douter.