Une combinatoire planétaire ou le retour à la stratégie de Leibniz
Christophe VALLÉE
Professeur agrégé et docteur de troisième cycle, Christophe Vallée est membre de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ).
Le monde des États-nations Il n’y a pas l’établissement d’un nouvel ordre mondial mais bien une tension entre l’ordre et le désordre, la guerre et la paix, le droit et la force, la statique et le mouvement : le système n’est pas devenu inerte, il est régi par une mécanique agitée de soubresauts. L’ordre ne domine plus, un système de relations internationales l’a remplacé par une combinatoire planétaire prenant plusieurs formes, État-nation, puissance et tension. Et ce système n’est plus national comme à l’époque de Leibniz e e mais bien mondialisé : telle est la seule différence entre XVIIIet XXIsiècle. D’un côté, le droit ne prime plus la force comme le voulait Morgenthau mais de l’autre il n’y a plus d’imperiumuniversel pour pacifier les relations. L’État-nation s’est dégagé des autres matrices pour en construire une autre plus réduite, plus fragmentée et sa logique est la puissance de l’intérêt national qui s’affirme en s’opposant aux autres e pour se projeter ou s’opposer. Le concert des nations a éclaté au XXsiècle en confrontant les États dans de nouvelles guerres froides ou chaudes. La notion de puissance a été bousculée par un affrontement idéologique entre le totalitarisme et la démocratie parlementaire. La fin de l’histoire dont parlait Fukuyama n’a donc pas entraîné un nouvel ordre mondial : les intérêts nationaux prédominent, les politiques de puissance l’emportent. La mondialisation est en réalité un jeu de tension entre la globalisation et la fragmentation des espaces. Le monde bipolaire installé de la fin de la Seconde Guerre mondiale à 1991 a vu les choses changer avec la lenteur du mouvement des plaques tectoniques. À la logique des deux superpuissances s’est substituée celle de grandes puissances qui exercent leur influence mais ne peuvent plus imposer leurimperium. La symbolique militaire joue à nouveau un rôle déterminant : on ne sait jamais quand l’adversaire va faire une erreur dans le monde actuel qui se caractérise, contrairement à l’apparence, par l’asymétrie d’information. La guerre aujourd’hui est sortie de sa virtualité pour redevenir possible selon le précepte clausewitzien. La recherche de l’équilibre des forces, dustatu quoavec la logique de la sanctuarisation des territoires par le nucléaire est remplacée par une nouvelle configuration planétaire, un nouveau concert des nations mondialisées avec une prépondérance américaine.