’ ’LibrespointsdevuedAcadémicienssur l environnement et le développement durable
Directoire :Jean-François Bach et Jean DercourtRédacteur en chef :Dominique MeyerComité éditorial : Christian Amatore Bernard Castaing Pascale Cossart Pierre Encrenaz Olivier Faugeras Étienne Ghys Henri Korn
25 novembre 2009
Table des matières Avant-propos Introduction I - LES ÉVOLUTIONS DU CLIMAT I-1 Peut-on expliquer simplement ceHervé Le Treut qu’est l’effet de serre ? Comment en mesure-t-Michel Petiton les conséquences ? Quelles sont-elles en France ? I-2 La question se pose pour certains deMarie-Lise Chanin savoir s’il y a une modification du climat dueVincent Courtillot et aux activités humaines. Si oui, par quoi seJean-Louis Le Mouël traduit-elle ?Hervé Le Treut Claude Lorius Michel Petit I-3 En France, comment verrions-nous,Jean-Claude André dans notre vie quotidienne, les effetsJean-Louis Le Mouël et éventuels d’un réchauffement climatique ?Vincent Courtillot Michel Petit I-4 La Terre a-t-elle connu, dans le passé,Jean Dercourt des modifications importantes detempérature ? I-5 LaFrance a vécu dans le passé desHenri Décamps évènements climatiques extrêmes avec pourconséquences des pollutions. Que peut-on faire pour en diminuer les impacts ? I-6 Quelle est la crédibilité des modèlesRoger Temam mathématiques pour prévoir les changementsJacques Villain climatiques éventuels et leurs conséquences ?II- ENVIRONNEMENT ET OCÉANS II-1 La hausse du niveau des mers et sesAnny Cazenave conséquences sur certaines régions côtières basses et peuplées du globe sont souvent citées. Qu'en est-il exactement pour les littoraux de la France ? II-2 L’acidification des océans est-elleAnny Cazenave réelle ? Menacerait-elle la vie marine ?Bernard Kloare III- ENVIRONNEMENT ET ÉNERGIES III-1 En France, les émissions de gaz àRobert Guillaumont effet de serre ont considérablement diminuéBernard Tissot avec notre parc de centralesélectronucléaires. Comment peut-on améliorer encore les performances et la sécurité de ce parc et de son cycle de combustibles ? III-2 Faut-il utiliser des biocarburants, lesSébastien Candel mélanger avec les carburants fossiles ? QuelsBernard Tissot en sont les avantages et les inconvénients ? III-3 Quelsera pour la France l’apport desBernard Tissot éoliennes ?
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III-4 a) En Europe : peut-on donner unBernard Tissot calendrier de l’utilisation du gaz naturel et duSébastien Candel pétrole dans les prochaines décennies ? b) Certaines des nations ayant de fortes réserves de charbon s’impliquent dans la capture des fumées et le stockage du gaz carbonique. Comment ? Quel rôle l’Europe va-t-elle jouer ?III-5 Tous les grands pays font des progrèsMarc Fontecave constants vers la mise au point de l’énergieJacques Friedel photovoltaïque. La France peut-elle accroîtreAntoine Labeyrie son rôle dans ce domaine ?Didier Roux III-6 Que pourrions-nous faire en FranceRobert Dautray de plus pour résoudre les problèmesJean-Marie Tarascon énergétiques et déployer leurs solutions àBernard Tissot l’échelle industrielle, soit seuls, soit dans un cadre européen ? IV - ENVIRONNEMENT, DÉMOGRAPHIE, EAU, ALIMENTATION, SANTÉ IV-1 Quelles vont être les conséquencesHenri Léridondans le monde des évolutions démographiques respectives par grandes zones continentales ? La France peut-elle jouer un rôle positif ?IV-2 L’augmentation de la populationRoland Douce mondiale aura pour première conséquence unHenri Léridon et Ghislain de Marsily déficit croissant en eau et une altération parfois importante de l’environnement. Comment va-t-on faire face à ces problèmes ? IV-3 En France, y aura-t-il un déficit en eauGhislain de Marsily dans les deux décennies à venir et, si oui, comment résoudra-t-on ce problème, différent de région en région ? Quelles seront les conséquences pour l’industrie agroalimentaire de la France ? IV-4 Que peut-on dire des conséquencesBernard Meunier sur la santé des divers problèmes liés auMaxime Schwartz changement climatique ?Alain-Jacques ValleronV - ENVIRONNEMENT, BIODIVERSITÉ V-1 Quelles sont précisément les menacesHenri Décamps que les modifications de l’environnement fontJean-Dominique Lebreton peser sur la biodiversité ? Peut-on citer desYvon Le Maho faits déjà survenus en France ?Maurice Tubiana
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Avant proposL’Académie des sciences présente sur son site une nouvelle rubrique destinée au public, intitulée “Libres points de vue d’ Académiciens”, afin de répondre à des questions concernant des sujets de science et de société. À l’approche de la Conférence de Copenhague sur le changement climatique en décembre 2009, le premier sujet abordé s’intitule “Libres points de vue d’Académiciens sur l’environnement et le développement durable”. L’Académie des sciences a proposé à di fférents membres, spécialistes des domaines en jeu, d’exprimer leurs points de vue sur les évolutions du climat, les océans, les énergies, la biodiversité, la démographie et ses répercussions sur l’eau, l’ alimentation et la santé. Ces textes qui expriment, dans l’indépendanc e de chacun, les points de vue d’Académiciens apportent, par leur riche sse et leur diversité, un éclairage scientifique actuel sur l’environnem ent et le développement durable. Nous souhaitons rendre hommage à nos cons oeurs et confrères qui ont accepté de participer à ce projet et à notre consoeur Dominique Meyer qui l’a conçu et coordonné. Jean-François Bach et Jean Dercourt Secrétaires perpétuels de l’Académie des sciences
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IntroductionIl apparaît aujourd’hui opportun d’envisager, à la lumière des progrès scientifiques récents, les changements climatiques en cour s, leurs conséquences, et les solutions énergétiques afin d’y faire face. Les évolutions du climat ont pu être suivies globalement depuis une trentaine d’années grâce aux satellites d’observation de la Terre qui ont permis d’intensifier les mesures systématiques, notamment sur le s mers et les glaces. Parmi les phénomènes constatés, citons la diminution des débits de fleuves et de rivières, le recul des glaciers, l’intensification de la fonte saisonnière des glaces de mer, les vagues de chaleur en Europe, etc. L’accroissement de la concentration en gaz carbonique a conduit à limiter la combustion du charbon. Combiné à l’épuise ment des ressources de carburants (pétrole et gaz naturel), cela a mené à pr évoir leur remplacement progressif par des énergies renouvelables. L’augmentation des populations humaines, leur urbanisation dans un air de plus en plus pollué, ainsi que les sécheresses liées aux variations du climat, ont amenuisé l’accès de chacun à l’eau douce. Les terre s cultivables ont diminué par la détérioration des zones arables. La pauvreté , la pénurie alimentaire, le manque d’assainissement des eaux, les épidémies, ne cessent de s’aggraver et, par voie de conséquence, des écosystèmes terrestres et marins sont progressivement détruits, la situation étant cependant très diffé rente selon les pays et les régions. Tout ceci rend indispensable de traiter globalement et équitablement le partagedes ressources de la Terre et des mers, en sachant que l’arbitrage doit être effectué entre des pays d‘exigences différentes. ll en résulte des difficultés à régler les problèmes concrets de l’adaptation au c hangement global et aux transitions énergétiques.
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Ce sont tous ces faits, t outes ces incertitudes, tous ces espoirs autorisés par les incessantes découvertes scientifiques, qui s ont abordés dans ces ‘Libres points de vue d’Académiciens sur l’environnement et le développement durable” ouverts au public. Celui-ci peut, pour des complément s d’information concernant ces sujets, s’adresser au rédacteur en chef (dom inique.meyer@academie-sciences.fr) qui transmettra leurs demandes aux auteurs concernés.
Dominique Meyer Membre de l’Académie des sciences Rédacteur en chef
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’ Librespoints’devuedAcadémicienssur l environnement et le développement durableI- LES EVOLUTIONS DU CLIMAT ’ ’ L évolution climatique actuelle fait l objet de très nombreuses mesures la replaçant dans son passé récent et lointain. Nous faisons ici le point de ces travaux scientifiques : ’ ’ I-1 Peut-on expliquer simplement ce qu est l effet de serre ? Comment en mesure-t-on les conséquences ? Quelles sont-elles en France ? ’ Hervé Le Treut (Membre de l Académie des sciences) : « L’effet de serre est un processus atmosphérique naturel qui modifie la manière dont s’établit l’équilibre radi atif de la planète, c'est-à-dire l’équilibre entre le rayonnement solaire absorbé par la Terre, et le rayonnement thermique infrarouge qu’elle émet (qui partagent la valeur commune de 235 W/m2). Le physicien Joseph Fourier fut le premier, en 1824, à pressentir le rôle crucial de l’atmosphère dans cet équilibre. L’atmosphère absorbe le rayonnement terrestre émis à la surface du globe, et le réémet pour partie vers l’espace, pour partie vers la surface. En empêchant la planète de se refroidir librement, l’effet de serre impose des températures beaucoup plus chaudes à la planète. La températur e de surface moyenne de la Terre est actuellement un peu supérieure à 15°C, alor squ’elle serait de -18°C sans l’effet de serre. L’effet de serre tendrait même à provoquer des températures bien supérieures, sans le rôle modérateur du brassage convectif de l’atmosphère. Le rôle de l’effet de serre peut être illustré par l’exemple simple d’une voiture laissée au soleil, dont les vitres laissent pénétrer le rayonnement solaire, mais retiennent le rayonnement infrarouge émis en retour. L’atmosphère joue cependant un rôle plus complexe que la vitre de la voiture, par ce qu’elle constitue une couche absorbante
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de près de 20 km dépaisseur, dont la température varie avec laltitude, un effet qui module le rayonnement émis vers lespace. Malgré son rôle majeur, leffet de serre ne doit paradoxalement rien ni à lazote ni à loxygène. Il résulte entièrement de laction de composés minoritaires qui représentent moins de 1% de la masse atmosphérique : des gaz que lon appelle gaz à effet de serre (parmi lesquels : la vapeur deau, le dioxyde de carbone, le méthane, lozone, loxyde nitreux, les fréons), les nuages, certaines poussières. Si la vapeur deau, premier des gaz à effet de serre, nest pas modifiable de manière directe par les activités humaines, parce que son temps de recyclage dans latmosphère est très court (1 à 2 semaine(s)), la teneur atmosphérique des autres gaz à effet de serre a subi une augmentation très rapide, qui a commencé avec le début de lère industrielle, et sest encore accélérée après les années 50. Ces évolutions ne seront que lentement réversibles, dune part parce que les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent à un rythme accéléré, dautre part parce que leur durée de vie atmosphérique est longue : plus de la moitié du dioxyde de carbone émis dans latmosphère sy trouve encore après 100 ans, une longévité atmosphérique partagée par loxyde nitreux ou la plupart des fréons. La durée de vie du méthane est plus courte (12 ans), mais même dans ce cas leffet daccumulation atmosphérique est important. Alors que la teneur des gaz à effet de serre était restée presque inchangée pendant près de 10 000 ans, laugmentation du CO2en quelques décennies a été de 30%, celle de loxyde nitreux de 15%, le méthane a été multiplié par plus dun facteur 2, et certains fréons sont nouveaux venus dans latmosphère. 40 ans de mesures atmosphériques depuis lespace, dans une gamme de longueurs donde extrêmement variée, et 40 ans de développement théoriques, de mesures, de modélisations associées, nous ont donné une très bonne maitrise du calcul des flux radiatifs perturbés par ces différents gaz. Au total, on estime que laugmentation de leffet de serre est actuellement de 3 W/m2 avant leffet de réchauffement (calculé quelle induit, et qui permet de rétablir léquilibre radiatif) : cette valeur peut paraître faible puisquelle représente 1,5% des échanges dénergie entre la Terre et lespace, mais un calcul simple montre que, appliquée à une Terre dont la température est proche de 300 degrés Kelvin, cette variation de leffet de serre peut provoquer un réchauffement de près de 1°C. Ces valeurs sont importantes : les reconstitutions des variations de température au dernier millénaire montrent des fluctuations qui sont généralement plus faibles, de lordre dune fraction de degré. La modification de la teneur atmosphérique en gaz à effet serre voit son effet à la fois diminué par lémission simultanée daérosols réfléchissant le rayonnement solaire, mais aussi immédiatement augmenté par une rétroaction de la vapeur deau : plus il fait chaud, plus le niveau de saturation en vapeur deau sélève, ce qui conduit à un effet de serre additionnel, qui double la réponse climatique. Au total, laugmentation déjà acquise de leffet de serre est déjà susceptible de créer un réchauffement climatique dont lamplitude est supérieure aux variations naturelles des derniers siècles, une tendance qui est maintenant confirmée par lexamen attentif des données climatiques disponibles. Mais cest bien lévolution future de cette part anthropique de leffet de serre, qui pose problème. La durée de vie atmosphérique des aérosols est très brève (quelques semaines), et laccumulation des gaz à effet de serre dans latmosphère
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