6° Con rès international franco hone sur la PME - Octobre 2002 - HEC - Montréal Réseaux, signaux faibles et innovation technologique dans les PME du secteur des équipements de transport terrestre 1 Pierre-André JULIEN Éric ANDRIAMBELOSON et Charles RAMANGALAHY 2
Résumé Compte tenu de leurs ressources limitées, les PME recourent à divers réseaux afin dobtenir de linformation riche et daménager ainsi graduellement leur environnement. Ces réseaux les aident notamment à être à jour par rapport au changement dans léconomie et à profiter de diverses opportunités pouvant même conduire à toutes sortes d'innovations leur permettant de se distinguer de la concurrence. Les réseaux, soit personnels, soit daffaires, avec qui elles sont le plus en relation, sont géographiquement sinon sociologiquement proches, leur permettant dêtre en osmose avec leur milieu . Ces derniers quon appelle les réseaux à liens forts fournissent le plus souvent des signaux forts facilement compris du fait des habitudes, dun langage connu et dune bonne connaissance réciproque. Toutefois, les entreprises les plus dynamiques font aussi affaires avec des réseaux à liens faibles, plus éloignés des comportements habituels des entrepreneurs. Les signaux provenant de ces réseaux sont plus difficiles à saisir et à décoder. Mais ces signaux faibles sont cependant les plus susceptibles dapporter de linformation nouvelle et pré-compétitive à lorigine dimportantes innovations. Peu d'études empiriques ont toutefois permis de vérifier la vraisemblance de cette théorie. Cet article rapporte les résultats émanant dune enquête auprès de 147 PME oeuvrant dans le secteur des équipements de transports terrestre. Il confirme limportance des signaux faibles par rapport aux signaux forts dans linnovation technologique tout en reconnaissant la contribution complémentaire de ces derniers. La capacité d'absorption de l'organisation s'avère également un facteur intermédiaire pour mieux tirer parti des signaux faibles.
1 Nous remercions les deux lecteurs pour leurs remarques très constructives. 2 Les auteurs sont respectivement titulaire de la chaire Bombardier en gestion du changement technologique dans les PME et professionnel de recherche à lInstitut de recherche sur les PME de lUniversité du Québec à Trois-Rivières et professeur au département des Communications et de bibliothéconomie de lUniversité de Montréal.
6° Con rès international franco hone sur la PME - Octobre 2002 - HEC - Montréal INTRODUCTION Nul besoin dinsister beaucoup sur limportance de linnovation, en particulier de linnovation technologique, tant pour les grandes que pour les petites entreprises dans ce quon appelle la nouvelle économie fondée sur la connaissance à base de formation et dinformation (voir, par exemple, Elliasson, 1990 ou Foray, 2000). Dans les PME, cette innovation provient de toutes sortes dinformations complexes et cumulées, souvent impulsées par les clients ou par divers changements dans les matières premières et dans les savoir et savoir-faire de lorganisation (Pacitto, et al. , 2002). Ces informations originent ou sont complétées par les réseaux qui peuvent être liés à des systèmes de veille le plus souvent informels (Julien, et al ., 1999). En recourant à la théorie sociologique de Granovetter (1973; 1982), on peut distinguer deux grands types de réseaux, soit ceux à liens forts et ceux à liens faibles 3 . Dans le cas des PME, les réseaux à liens forts comprennent les réseaux personnels et ceux daffaires. Les premiers servent essentiellement à conforter la direction dans ses décisions. Les réseaux daffaires, comme le mot le dit, favorisent les diverses transactions de lentreprise. Les réseaux à liens faibles sont ceux fréquentés moins souvent par les gens daffaires et, donc, fournissent des signaux généralement faibles demandant des efforts pour être saisis, interprétés, complétés et utilisés à bon escient. Les centres de recherche ou les universités sont des bons exemples de réseaux à liens faibles et donc fournissant le plus souvent des signaux faibles aux gens daffaires (OCDE, 1993). On trouve aussi des signaux faibles dans les organisations mêmes, notamment linformation tacite provenant du personnel et qui demande une culture dentreprise particulièrement ouverte pour devenir explicite et fournir de linformation particulièrement riche, comme la montré Nonaka (1994). Granovetter explique que les nouvelles idées et donc le changement ou linnovation dans les organisations proviennent en bonne partie de ces réseaux à liens faibles. Puisque ceux à liens forts ont tendance à reproduire les mêmes représentations mentales et à soutenir les habitus . Ces réseaux à liens faibles peuvent aussi constituer des « ponts » vers dautres entités sociales, multipliant les nouvelles idées conduisant au changement et à linnovation. Cette théorie, toute intéressante quelle soit, a toutefois été rarement vérifiée en économie. Dans les études qui en ont traité, les conclusions démontrant le rôle des réseaux à liens faibles sur linnovation sont loin dêtre concluantes malgré le fait que de plus en plus de chercheurs sy réfèrent. Par exemple, Hansen (1999), en comparant limportance de linnovation entre 41 filiales dun grand groupe électronique américain, a montré que la théorie de Granovetter nétait pas évidente. Du moins, selon notre interprétation, les réseaux à liens faibles des départements de recherche ont besoin dêtre complétés par des réseaux à liens forts non seulement pour ajouter de linformation permettant à la recherche impulsée par les signaux faibles den arriver au développement mais aussi pour faire les choix parmi les innovations possibles afin dy consacrer les ressources nécessaires. Notre recherche porte sur cette problématique. Plus précisément, nous voulons voir si les PME liés à des réseaux généralement à signaux faibles sont plus innovatrices que celles se 3 Pour Granovetter, dans la plupart des groupes ou milieux sociaux, les réseaux à liens forts sont composés des amis ou des connaissances proches. Ceux à liens faibles désignent alors les connaissances plus ou moins lointaines ou que lon rencontre plus rarement.